Communiqué // Quand le coupable est désigné d’avance – Sur la mort de la journaliste qatarie Shireen Abu Aqla

Communiqué // Quand le coupable est désigné d’avance – Sur la mort de la journaliste qatarie Shireen Abu Aqla

Aujourd’hui, la plupart des médias pratiquent le fact-checking : on dit les faits, on vérifie après. Procédé qui permet de rendre coupable Israël plus souvent qu’à son tour. Remake d’un film qui marche bien.

Les faits

Israël : 19 morts en un mois et demi (entre le 22 mars et le 5 mai), assassinés avec des haches, des couteaux, des fusils. 3 de ces attentats meurtriers dirigés contre des civils ont été orchestrés depuis Jénine.

Jénine : le 11 mai, Israël mène une opération antiterroriste à Jénine pour appréhender un des responsables de cette vague de terreur. Des dizaines de Palestiniens armés leur tirent dessus ; ils tirent de façon nourrie, aveugle et incontrôlée. Dans les échanges de feu, la correspondante d’Al-jazeera, Shireen Abu Aqla, est tuée.

Autorité palestinienne : Israël a proposé à l’Autorité palestinienne (AP) son offre pour une enquête conjointe : refusé par l’AP.

Tweet de Julien Bahloul (11 mai 2022) sur la mort de la journaliste qatarie Shireen Abu Aqla à Jénine avec portrait de la journaliste

Ce que l’on sait actuellement

Il n’y a actuellement aucune certitude sur l’origine du tir. Les éléments que nous avons sont :

  • une vidéo à Jénine durant les échanges de tirs, on entend les Palestiniens crier « Ils en ont touché un, ils ont touché un soldat, il est à terre ». Mais aucun soldat de Tsahal n’a été blessé à Jénine. On peut tirer de ce dialogue que des Palestiniens, tirant sans discernement, ont probablement touché la journaliste d’Al-Jazeera Shireen Abu Aqla ;
  • le rejet de la paternité de ce tir par Israël, qui mène du reste une enquête interne ;
  • le refus par les Palestiniens de donner la balle qui a tué la journaliste pour être analysée en laboratoire.

La partialité

Bien que l’origine du coup de feu fatal à la journaliste n’a pas été identifiée, Israël en est aussitôt désigné l’auteur.

Médias
Une heure et demie après la mort de la journaliste, l’AFP titre « Une journaliste d’al-Jazeera tuée par un tir de l’armée israélienne en Cisjordanie ». Tous les organes médiatiques en France reçoivent les dépêches de l’AFP, donc ce titre se retrouve tel quel dans l’immense majorité des titres presse, radio, télé.

Comme le note Richard Prasquier, l’AFP agrémentait cette nouvelle d’une photo qui représentait les funérailles de la journaliste. « Dans l’après-midi on a appris qu’une autopsie avait été effectuée à Naplouse. Nous devons donc à l’AFP, cette agence d’informations célèbre pour sa rigueur et son impartialité, d’avoir rapporté un exploit unique: des funérailles qui, le jour-même, précèdent une autopsie ! »

L’AFP a rectifié son titre après l’intervention de l’association CAMERA, puis retitre : « Une journaliste d’al-Jazeera tuée lors d’affrontements en Cisjordanie ». Voir le récit fait par InfoEquitable.

ONG
Un homme tué à la hache devant son fils de 6 ans. Des personnes poignardées en faisant leur course ou leur plein d’essence. Un père promenant son bébé en poussette et faisant fatalement bouclier de son corps pour protéger son fils. Des jeunes gens assassinés à la terrasse d’un café.

Des ONG comme Human Rights Watch ne s’en sont aucunement émue, car les morts étaient israéliens. Rien. Pas un tweet. Rien de rien. Mais les voilà « consternés » par la mort d’une journaliste qatarie à Jénine, qui aurait été tuée par les Israéliens.

Nous appelons les personnes censées être responsables à maîtriser leur discours. La propagande a déjà tué. Il en va de vies humaines.

Pour rappel, l’histoire très résumée d’une grosse fake news née à Jénine, il y a de cela 20 ans…

 

Jénine 2002

En mars 2002, après une série d’attentats en Israël ayant fait 120 morts pour le seul mois de mars, Israël avait entrepris une opération antiterroriste en Cisjordanie, notamment à Jénine, ville que les Palestiniens eux-mêmes avaient baptisée « capitale des shahid » (ceux qui font des attentats-suicides).

Les combats à Jénine entre Tsahal et les Palestiniens étaient féroces, ces derniers étant lourdement armés. C’est ainsi que naquit la rumeur « des massacres de Jénine ». Les médias relayèrent sans discernement « la tuerie de centaines de Palestiniens », le « massacre délibéré à grande échelle ».

L’émissaire du secrétaire général de l’ONU Terje Roed-Larsen, après avoir précipitamment parlé de « massacres incroyablement effroyables », se voit contraint de se rétracter : « Je n’ai pas accusé et je n’accuse personne d’avoir commis un massacre. Nous n’avons pas d’informations complètes de Jenine ».

Enfin, un rapport de l’ONU d’août 2002 clôt définitivement le débat, dénonçant les combats qui ont eu lieu dans des zones densément peuplées par des civils, « en grande partie à cause du fait que les groupes armés palestiniens recherchés par Tsahal pendant son incursion ont placé leurs combattants et leurs installations parmi les civils », notant que « les Palestiniens armés sont supposés avoir largement piégés les maisons civiles – cherchant à viser les soldats de Tsahal, mais ont aussi mis en danger les civils », et que « au moins 52 Palestiniens, parmi lesquels plus de la moitié sont des civils, et 23 soldats israéliens sont morts. »

Un peu vexée de n’avoir pas eu son massacre, certains journalistes ne peuvent se résoudre à voir dans la bataille de Jénine un combat entre combattants en milieu urbain. Alors allons-y pour la rumeur de « crimes de guerre », puisqu’on nous explique que l’armée israélienne « s’est livrée à des violations des lois de la guerre à l’encontre de civils et d’hommes « hors combat ». »* On peut lire que des cadavres ont été enterrés sous les gravats, qu’il fut interdit de porter secours aux victimes, que la force a été utilisée de façon disproportionnée etc. Les accusations de « témoins » palestiniens abondent dans les médias, elles vont toutes dans le sens d’exactions épouvantable menées par les soldats israéliens, qui auraient même utilisé des balles….radioactives !

Mais tous les démentis et preuves du monde n’y ont rien fait : la souillure laissée par la rumeur est demeurée.

* Le Monde, « Enquête sur l’action de Tsahal dans le camp palestinien de Jenine », 27 avril 2002

 

Ajout du 13 mai 2022

Au sujet de l’émeute autour du cercueil de Shireen Abu Akleh et de l’intervention des policiers israéliens 

Communiqué de la Police Israélienne

Twitter, 13 Mai 2022 23h28, (traduction de l’anglais)

« Les préparatifs de la procession funéraire pour Shireen Abu Aklehh avaient été coordonnés à l’avance conjointement entre la police israélienne et la famille Abu Akleh.
Vendredi, environ 300 émeutiers sont arrivés à l’hôpital Saint-Joseph de Jérusalem et ont empêché les membres de la famille de charger le cercueil sur le corbillard pour le trajet vers le cimetière, conformément aux préparatifs et à la coordination à l’avance avec la famille. A la place, la foule a menacé le conducteur du corbillard et a entrepris de porter le cercueil dans une procession imprévue, à pied, vers le cimetière.

Ceci allait à l’encontre des souhaits de la famille Abu Akleh et de la coordination de sécurité qui a été prévue pour préserver le deuil du grand nombre de personnes assistant aux funérailles. La police israélienne a demandé à ce que le cercueil soit ramené au corbillard, de même que l’ambassadeur de l’Union Européenne et la propre famille de Shireen Abu Akleh, mais la foule a refusé.

La police israélienne est intervenue pour disperser la foule et l’empêcher de s’emparer du cercueil, afin que les funérailles puissent se dérouler comme prévu, en accord avec les souhaits de la famille. Durant l’émeute qui a été déclenchée par la foule, des bouteilles de verre et d’autres objets ont été jetés, provoquant des blessures au sein des personnes assistant aux funérailles deuil et des officiers de police. »

Encore une fois, la presse internationale s’est bornée à relayer le narratif palestinien, lancé par des « journalistes palestiniens installés à Gaza » et d’autres sources au professionnalisme contestable.

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