Édito // Le bon, la brute et l’apartheid

Édito // Le bon, la brute et l’apartheid

Je me souviens de mon premier cours de philosophie de Terminale : nous étudiions le Phèdre de Platon. Notre excellente professeure nous l’a laissé lire, d’abord sans explication. La conclusion de ce conte philosophique était qu’il fallait aimer ceux qui ne nous aiment pas, et à la première lecture, cela paraissait bizarrement évident. C’est seulement après avoir travaillé le texte que nous avons compris que tout tenait la route, sauf la prémisse qui était biaisée. Si on enlevait cette prémisse d’où découlait tout le reste, la conclusion ne tenait plus debout.

Voilà comment résumer le projet de résolution qu’une quarantaine de députés de Nupes comptent présenter la semaine prochaine à l’Assemblée Nationale. Sous le sobre intitulé suivant : « Proposition de résolution condamnant l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien ».

page de garde du projet de résolution n°143 présentée par des députés NUPES

Tout a l’air bien documenté et l’accusation d’apartheid fondée– et d’ailleurs comment n’y avait-t-on pas pensé auparavant ? Mais tout découle d’une prémisse fausse. Vous savez, le bon vieil argument de la colonisation et des territoires « palestiniens » occupés, ceux-là même qui ont été annexés par la Jordanie entre 1949 et 1967 et que personne alors n’évoquait en ces termes. Toute l’accusation d’apartheid repose sur la pureté absolue des Palestiniens, l’essence même de la victime sous le joug de la brutalité israélienne, imbue de sa supériorité raciale. Cette lecture binaire est absolument nécessaire au déroulé du projet de résolution.

Alors, la propagande peut s’étaler tranquillement et, avec la discrimination, l’oppression, les tueries, les actes de torture, une nouveauté fera son entrée dans l’hémicycle parisien : celle, de « la suprématie », de « la domination d’un groupe ethnique-national-racial sur un autre ». On vous laisse deviner qui est censé dominé qui. Il y a même une trouvaille assez géniale, c’est celle qui consiste à dire que « Israël exprime une intention claire de maintenir le régime d’apartheid ». Voilà qui est dit, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas.

 

 

le prisme palestinien

La résolution est définie uniquement par le prisme palestinien, même si on jette dans cette bouillie une ou deux associations israéliennes anti-israéliennes (et souvent prises la main dans le sac du mensonge et des fausses allégations), ainsi que des acteurs du monde institutionnel et des ONG dont certains confondus pour leur antisémitisme, et d’autres qui sont super potes avec le Hamas1.

On y trouve des accusations répétées (des fois que l’on ne comprenne pas bien) de « mort violente d’enfants », d’enfants emprisonnés. De réfugiés qui ne peuvent être que palestiniens. Tous les civils tués sont d’innocents Palestiniens, victimes d’exécutions sommaires de la part les Israéliens. Il y a le blocus de Gaza « par Israël », qu’ils ont même renforcé pendant la pandémie, les salauds.

Dans la rubrique « on colporte les gros mensonges », on a aussi la mort de la journaliste Shireen Abu Akleh (lire), qui, c’est bien connu, Nupes y était, a été « la cible d’un tir de soldat israélien ». « Les forces d’occupation » ont même refusé d’ouvrir une enquête internationale !

Tout cela est mot pour mot le narratif palestinien (Cf. notre article « Le narratif palestinien et les détails« ). Tout est à charge, rien n’est prouvé, rien n’est contextualisé ni contrebalancé. Du bon boulot de propagande comme j’avais étudié au lycée, avec le Phèdre de Platon, mais en Histoire cette fois : KGB, URSS, bref, les mêmes staliniens qui ont forgé le récit palestinien dans les années 60-70.

D’ailleurs, l’URSS avait voté pour l’adoption de la résolution de l’ONU de 1975 assimilant le sionisme au racisme. Le colonel Kadhafi avait qualifié cette résolution de « triomphe du droit humain qui ouvre pour l’ONU une ère nouvelle ». Il ne croyait pas si bien dire, et cela démontre, soit dit au passage, le fonctionnement de l’ONU, qui est la plus grande assemblée de lobbying du monde. (Cette infâme résolution fut abrogée en 1991).

Manipulation, ignorance : les Nupes et les dupes

À Nupes, il y a ceux qui ignorent, c’est leur premier mandat, ils sont jeunes, ils n’ont pas le temps. OK. Et ceux qui ne veulent pas savoir, parce qu’on ne change pas une croyance comme ça. Ce n’est pas facile de décroire la ligne directrice du bon et de la brute.

Un soldat jordanien sur les ruines de la synagogue Hurva à Jerusalem (1949), durant l'occupation jordanienne. Tout le quartier juif de la vieille ville et ses 52 synagogues ont été détruits.

Un soldat jordanien sur les ruines de la synagogue Hurva à Jerusalem (1949), durant l’occupation jordanienne. Tout le quartier juif de la vieille ville et ses 52 synagogues ont été détruits.

Dans la pensée binaire comme dans la propagande, les choses doivent être simples. Exit donc tous les mauvais choix des Palestiniens, toutes les guerres menées par les pays arabes coalisés contre Israël, tous les refus des plans de paix et de partage de l’ONU ; exit l’immense responsabilité palestinienne dans la violence, l’incitation à la haine quotidienne dès le berceau, la rémunération à vie des familles de terroriste qui sont mieux payées que les instituteurs.

Exit également les victimes en Israël – qui ne sont pas toutes juives car 22 % de la population ne l’est pas-, les attentats au couteau, à la voiture bélier, à la kalachnikov, les prises d’otage, les corps déchiquetés du bus qui explosent, parmi lesquels des enfants, parmi lesquels des bébés. Exit la souffrance de ces 900.000 réfugiés juif du monde arabe – et cela comprend la Cisjordanie- qui n’ont demandé réparation à personne. Ces Juifs qui sont aujourd’hui moins de 4000 dans le monde arabe et ne peuvent revenir d’où ils ont été expulsés ni aller se recueillir sur la tombe de leurs ancêtres. Quoi, vous avez dit apartheid ? Exit l’annexion de la Cisjordanie et de la vieille ville de Jérusalem par la Jordanie pendant 18 ans, leur destruction de tout le quartier juif de cette vieille ville et de ses 52 synagogues.

Les yeux grands fermés sur les accords de 1995 dont il reste encore les zones A, B et C en Judée-Samarie / Cisjordanie, et une immense ignorance de la « Palestine », qui ne fut jamais un pays, sauf quand il s’appelait Judée, une Palestine qui a aussi été juive, avec des Palestiniens juifs et une Jérusalem à majorité juive. Mais ces brutes de Juifs essaient quand même de la judaïser, et ils ont l’outrecuidance de laisser chaque religion gérer ses lieux saints.

Bref, ce projet de résolution fera sans doute long feu, mais il en dit long sur une partie de la gauche2 qui se croit du côté du bon, mais ne fait que recycler les vieux schèmes usés jusqu’à la corde qui criminalise le fait pour l’État juif d’exister et de se défendre des agressions. On leur rappelle la gauche anti-dreyfusarde et la gauche antisémite des années 40 ?

 

A lire : notre dossier « apartheid »

Notes

1 Sur Navi Pillay, sur Amnesty International (Francesca Albanese) et Michael Lynk, sur Richard Falk

2 Des députés NUPES sont opposés à ce projet de résolution

 

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