Edito // L’insensé et l’impensé
Les visionnaires ont toujours été pris au mieux pour des utopistes ou des naïfs, au pire pour des fous dangereux, des traîtres. Pourtant, ce sont eux qui changent le monde depuis que l’humain est humain,
depuis qu’un préhistorien a saisi le feu effrayant pour en faire un allié. Qu’on se remémore Théodore Herzl, Mandela et de Klerk par exemple. Ils ont fait advenir des
événements impensables. Impensable dans le sens « non pensé ». C’est également un impensé dont nous venons de fêter les un an, celui de la signature des accords d’Abraham entre Israël, les Émirats Arabes Unis et le Bahreïn, rejoints quelques mois plus tard par le Soudan et le Maroc.
La récente conférence en Irak en faveur d’une normalisation avec Israël est plus étonnante, car elle émane non pas des gouvernements, mais de la société civile. Qui aurait pensé que plus de 300 activistes irakiens, femmes et hommes, oseraient publiquement rompre non seulement avec un antisionisme dont ont les biberonne depuis des générations, mais qui plus est avec une loi qui interdit une quelconque normalisation avec l’État juif ? Qu’ils soient maintenant sous mandat d’arrêt de la part de leur gouvernement ne doit pas occulter le fait que ce mouvement de normalisation existe bel et bien, en Irak et ailleurs dans les pays arabes et musulmans.
Ces mouvements « impensés » sont toujours par définition à contre-courant. S’ils sont accueillis comme une bonne nouvelle par certains, ils ont le don d’irriter les autres, suscitent une grande méfiance voire des sarcasmes. Dans certains pays, ils peuvent même conduire à la case prison, tant envisager l’ancien ennemi comme un allié dérange. Fait peur.
Dans la société palestinienne, des courants pro-normalisation existent. Ils sont d’autant plus courageux qu’ils sont de plus en plus criminalisés par une Autorité palestinienne bégayante, qui se recroqueville sur l’ancien monde. Celui qui veut toujours détruire Israël par les moyens les plus insidieux : l’éducation à la haine des enfants palestiniens prodiguées depuis plus d’une génération, les incessants encouragements au terrorisme, dont la rémunération des familles de terroristes emprisonnés en Israël n’est qu’un volet.
Changer ce monde-là demande beaucoup de courage. Mais ce qui est insensé, ce serait de ne pas le changer. Ce serait de rester dans les vieux paradigmes du conflit. Ce dont ont besoin ces voix courageuses, ces voies de l’impensé dans le monde arabe, ce ne sont ni de nos sarcasmes, ni des relais propagandistes qui fleurissent sur la lie de la haine et du mensonge. Ces voix arabes ont besoin de notre soutien actif et inconditionnel. On l’a vu à chaque fois : tout le monde y gagne.