Edito // des trois « Non » de Khartoum au « Oui » des Accords d’Abraham : une histoire de conflits et d’espoir
Ce mois de septembre est l’occasion de revenir sur deux événements aux antipodes l’un de l’autre : d’une part les trois « non » de Khartoum, de l’autre les Accords d’Abraham, deux facettes opposées des relations israélo-arabes.
L’un énonçant le 1er septembre 1967 « non à la réconciliation avec Israël, non à la reconnaissance de cet État, non aux négociations avec lui ». L’autre rompant avec cette doctrine, le 15 septembre 2020, avec pragmatisme et tout en nuance.
Les trois « non » de Khartoum, énoncé par la Ligue arabe comme un seul homme, était une façon de laver l’humiliation subie en juin 1967. Car oui, comment imaginer que 5 pays arabes coalisés contre Israël seraient défaits en 6 jours ? Ils étaient tellement certains de leur victoire que le président égyptien Nasser déclarait le 26 mai 1967 « notre principal but est la destruction d’Israël » et Ahmed Choukeiri, le président de l’OLP, s’écriait « Jetons les Juifs à la mer, jusqu’au dernier ».
Ces déclarations triomphalistes venaient couronner un blocus maritime (détroit de Tiran en mer Rouge) et des mouvements militaires très explicites encerclant le jeune État juif sur trois fronts différents avec une armée bien plus nombreuse côté arabe : au Sud, tous les Casques bleus de l’ONU avaient été expulsés du Sinaï égyptien par Nasser qui y massa ses troupes ; au Nord, la Syrie mobilisa son armée aux frontières d’Israël ; à l’Est, la Jordanie et l’Irak – renforcée par l’Arabie Saoudite- faisaient de même. Restait la Méditerranée à l’Ouest….
Aussi étrange que cela puisse paraître, nous arriverons avec le temps à une alliance judéo-arabe. Les conditions géographiques et historiques la rendent inévitable, indépendamment du temps nécessaire à sa réalisation.
Cinquante-trois ans après le triple non de Khartoum, des pays arabes et musulmans rompent avec la politique du non qui n’est féconde que de haine lorsqu’elle n’est pas stérile. Si le Bahreïn et les Émirats Arabes Unis, premiers signataires des Accords d’Abraham, n’ont rejoint la Ligue arabe qu’en 1971, donc après le triple non de 1967, le Maroc et le Soudan faisaient déjà partie, eux, de cette Ligue.
Mais nombreux encore sont les pays pour qui normalisation avec Israël rime avec disgrâce. La ministre des Affaires étrangères libyenne en a fait les frais : après que son homologue israélien, Eli Cohen, a communiqué sur leurs entretiens diplomatiques, elle a été suspendue par Tripoli qui a rejeté « complètement et absolument toute perspective de normalisation avec l’entité sioniste », ne pouvant même pas prononcer le nom de l’État hébreu.
Plus d’un siècle de conflit israélo-arabe a montré qu’il n’y aura pas de vainqueur. C’est seulement un « jeu » gagnant-gagnant, ou alors il sera perdant-perdant. Le seul combat qui vaille, c’est celui pour la paix. Et pour cela, il faut la volonté d’y parvenir.
En visionnaire, David Ben Gourion, premier Premier ministre de l’État d’Israël, écrivait en 1965 : « Aussi étrange que cela puisse paraître, nous arriverons avec le temps à une alliance judéo-arabe. Ce n’est pas que je croie seulement à la nécessité vitale d’une coopération politique, économique et culturelle. Les conditions géographiques et historiques la rendent inévitable, indépendamment du temps nécessaire à sa réalisation. Le destin nous a placés proches dans cette partie de la terre. Nous ne quitterons pas notre pays, pas plus que les Arabes. Et à cette situation géographique commune s’ajoutent bien des ressemblances dans notre culture, notre langage et notre histoire. La coopération entre Juifs et Arabes peut transformer le Moyen-Orient en l’un des plus grands foyers culturels du monde comme il le fut jadis. Eux seuls peuvent accomplir cela. »1
Sa vision a été mise à mal, mais elle est toujours possible. Et plus que jamais nécessaire.
1Regards sur le passé, David Ben Gourion, Ed. Du Rocher, 1965