Le Jour où le président Sadate est venu à Jérusalem
Le 19 novembre 1977, à 20h, le président égyptien Anouar al-Sadate atterrit à l’aéroport Ben Gourion. Le Premier ministre israélien, Menahem Begin, l’attend au bas de l’appareil.
Aussi spectaculaire que soit cette visite, la venue de Sadate dans un pays contre lequel l’Égypte avait mené 4 guerres n’arrive pas tout à fait par hasard. Cela fait longtemps que les israéliens s’efforcent d’établir un contact direct avec l’Égypte. Deux intermédiaires se sont offerts pour y parvenir : la Roumanie et le Maroc. À la fin du mois d’août 1977, Begin effectue une visite officielle en Roumanie. A l’issue du voyage, Begin informe son gouvernement : Ceausescu lui a assuré que Sadate accepterait une réunion entre représentants israéliens et égyptiens.
Les négociations secrètes d’Israël
À la suite de ce message, Israël se tourne vers le Maroc. Le chef du Mossad, Yitzhak Hofi, y rencontre le vice-Premier ministre Hassan Tuhami. Le 4 septembre, c’est Moshe Dayan qui fait le voyage au Maroc, déguisé, avec une perruque, une moustache et des lunettes noires. Là, il demande au roi Hassan II d’organiser une réunion de haut niveau avec les Égyptiens pour lui-même ou Begin, avec Sadate ou son adjoint, Hosni Moubarak. Le 9 septembre, une réponse positive est arrivée : les Égyptiens sont prêts pour une réunion. Mais Sadate veut la paix, pas la capitulation. Si Begin confirme que le Sinaï sera rendu, alors il négociera sur les autres questions. Il ne signera pas non plus une paix séparée, mais il est croit qu’il persuadera la Jordanie et la Syrie à faire de même.
Et si Sadate parlait à la Knesset ?
Le 9 novembre, Sadate prononce un discours important à l’Assemblée du peuple égyptien. Au détour d’une phrase, il déclare : « Je suis prêt à aller au bout du monde si cela empêchait de blesser, et encore moins de tuer, un de mes garçons, soldat ou officier… Israël sera surpris quand il m’entendra dire que je ne refuserai pas d’aller chez eux, à la Knesset même, pour en discuter ». Nul ne prête garde à cette phrase, sauf un, Begin, qui déclare : « Si ce n’est pas une figure de style, et si le Président Sadate est vraiment prêt à venir à Jérusalem à la Knesset, nous nous en félicitons ». Mais Begin ajoute qu’Israël rejette la création d’un « soi-disant État palestinien ». En dépit de ce rejet, Sadate déclare qu’il est disposé à venir à Jérusalem et à débattre avec les 120 membres de la Knesset. A son retour de Damas, où le Président Hafez el-Assad a vainement tenté de le persuader d’abandonner son plan, Sadate reçoit une invitation à se rendre en Israël.
Sadate est à Jérusalem
Le samedi 19 novembre 1977, à l’issue du Shabbat, Sadate atterrit en Israël. Le Président Ephraim Katzir, le Premier ministre Begin et tous les ministres sont là, en compagnie des anciens premiers ministres Yitzhak Rabin et Golda Meir. 3000 journalistes sont arrivés en Israël pour couvrir la visite. La cérémonie est diffusée en direct dans le monde entier. Chacun sait que l’avenir politique du Président Sadate est désormais entre les mains d’Israël.
Tôt le dimanche matin, Sadate visite la mosquée El-Aqsa et prend part à la prière. Il visite également l’Église du Saint-Sépulcre. Puis, avec Begin, il visite Yad Vashem avant la tenue d’un important déjeuner de travail. Aucun enregistrement sténographique de cette réunion ni d’autres réunions au cours de la visite n’a été retrouvé dans les Archives de l’État d’Israël et il n’en a peut-être pas été fait. Selon les rumeurs, il aurait été demandé aux Égyptiens quelles étaient leurs attentes et ce qu’Israël pouvait faire pour que la visite soit un succès.
Après le déjeuner, Sadate s’adresse à la Knesset en arabe. Il parle de sa décision « d’aller au
pays de l’adversaire alors que nous sommes encore en état de guerre afin de détruire les
murs de suspicion et d’hostilité qui séparent les deux peuples ». Il assure qu’il n’est pas venu signer un accord séparé, mais faire avancer une « paix durable et juste ». Son but est de présenter directement au peuple israélien les principes de cette paix : le retrait complet d’Israël des territoires, y compris Jérusalem-Est, et la création d’un État palestinien. Il ne mentionne pas l’OLP.
Dans sa réponse, Begin salue le courage de Sadate et invite les dirigeants de la Syrie, de la Jordanie et les « véritables porte-parole des Arabes palestiniens » à des pourparlers. Shimon Peres lui succède à la tribune de la Knesset, soulignant, sur cette question, l’unité nationale du pays.
De retour au Caire, le lendemain, Sadate reçoit l’accueil chaleureux d’une foule en liesse. Les organisateurs de la visite peuvent, enfin, pousser un soupir de soulagement.