Les principaux points de la réforme judiciaire en Israël

Les principaux points de la réforme judiciaire en Israël

Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu a présenté en janvier 2023 une proposition de réforme du système judiciaire. Depuis, le pays est divisé en deux, avec les partisans et les protestataires qui manifestent avec une envergure jamais vue dans le pays, à la fois par son ampleur dans le temps, par le nombre de manifestants -qui viennent de tous les bords politiques.

Les textes votés à ce jour

Le 21 février dernier, le premier texte de cette réforme a été adopté en première lecture (il faut 3 lectures pour adopter la loi) : il donne une majorité de voix à la coalition pour constituer le comité de sélection des juges, celui-là même qui sélectionne tous les juges en Israël, y compris ceux de la Cour suprême.

Le 14 mars, les députés ont adopté un autre texte de loi de cette réforme. Il s’agit de la clause dérogatoire permettant au Parlement d’invalider une décision de la Cour Suprême, ce qui n’était pas possible auparavant (voir schéma).

Le président Isaac Herzog a présenté le 15 mars 2023 une proposition de compromis, dont les points clés sont :

  • que le comité de sélection des juges soit bâti de façon à ce qu’il ne soit pas acquis à un parti politique plutôt qu’à un autre ;
  • une restriction de la possibilité d’annulation d’une loi par la Cour suprême ;
  • et en contrepartie, des modalités plus contraignantes d’adoption d’une loi fondamentale par la Knesset.

Sa proposition a été immédiatement rejetée par la coalition de Premier ministre.

Le 23 mars, la Knesset a voté en faveur d’un texte réduisant fortement les possibilités de déclarer un Premier ministre inapte à sa charge, notamment en raison de conflit d’intérêt ou de procès en cours.

Les pour et les contre

Les contestataires craignent d’une part la dérive anti-démocratique de cette réforme, où les contre-pouvoirs s’affaissent, laissant in fine l’exécutif et le législatif décider, en ôtant au pouvoir judiciaire la plupart de son contrôle sur la législation. Ils craignent également que Netanyahu, accusé de corruption dans une série d’affaires, n’utilise cette réforme pour casser une éventuelle condamnation à son encontre.

Les partisans de la réforme juge que la Cour Suprême israélienne est trop puissante et que ses pouvoirs doivent être contrebalancés et que les juges de la Cour suprême doivent refléter la volonté du peuple et donc de la majorité élue.

La Cour suprême israélienne

Logo Cour Suprême israélienne

Rappelons que le sujet de la Cour Suprême de Jérusalem – la plus haute cour d’Israël et la dernière cour d’appel- est particulièrement sensible, car Israël n’a pas d’autres contrepoids du pouvoir exécutif et législatif (contrairement à la plupart des autres pays démocratiques). En effet, Israël n’a pas de Constitution écrite qui grave les droits fondamentaux. Elle a en revanche des Lois fondamentales votées par la Knesset, qui constituent d’une certaine façon une forme de Constitution, même partielle.

Schéma récapitulant les principaux points de la réforme judiciaire en Israël en 2023 (comparaison avant et après) ©Association France-Israël, Alliance Général Koenig

Schéma récapitulant les principaux points de la réforme judiciaire en Israël en 2023 (comparaison avant et après) ©Association France-Israël, Alliance Général Koenig

 

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Les leçons du passé*
De 1948 à 1953, le processus de sélection des juges, tous tribunaux confondus, reposait entièrement sur les politiciens, via le ministère de la Justice et la Knesset.

Mais en 1953, ce système a été radicalement modifié par la loi sur les juges, qui a donné lieu à la création de la commission de sélection des juges.

La nouvelle loi – qui a finalement été intégrée à la Loi fondamentale de 1984 sur le pouvoir judiciaire – définit la composition de la commission, ses règles de procédure, les qualifications des candidats aux tribunaux etc.

La loi de 1953 a fait basculer le rapport de force au sein de la commission de sélection de manière significative en faveur du pouvoir judiciaire et des professionnels du droit, puisqu’ils disposaient désormais d’une majorité par rapport aux représentants élus. Si la composition de la commission n’a pas changé depuis, la procédure de sélection des juges de la Cour suprême, elle, a changé.

Le changement le plus important depuis 1953 a été la réforme de Saar en 2008, qui a fait passer de cinq à sept la majorité requise au sein de la commission pour élire un juge de la Cour suprême.

Cela a donné aux élus une plus grande capacité à bloquer les candidats préférés de la branche judiciaire et plus de poids pour faire élire les juges qu’ils aimaient à la Cour. Dans le même temps, cela a créé un équilibre des pouvoirs au sein de la commission de sélection des juges de la Cour suprême.
*Source : Times of Israel 1er mars 2023

 

 

Image d’en-tête : Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et la présidente de la Cour Suprême israélienne, Esther Hayuth, au mémorial de David Ben Gourion à Sde Boker, 23 novembre 2017. © GPO Amos Ben Gershom

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3 thoughts on “Les principaux points de la réforme judiciaire en Israël”

  1. Reschofsky Gérard dit :

    A noter que la présence de représentants du barreau dans le comité de sélection apportait de facto des voix aux magistrats en place dans la Cour suprême tout simplement parce qu’il aurait été suicidaire pour un avocat de voter contre un candidat favori de la Cour suprême. Quoi que l’on pense il se serait retrouvé en adversaire dans un éventuel procès devant ce juge et il comprometterait sa nomination éventuelle comme juge puisque ceux-ci sont recrutés parmi les avocats (il n’y a pas d’École de la magistrature).

    1. Valerie Dahan dit :

      C’est inexact, particulierement lorsque la Misnitre de la Justice etait Ayelet Shaked, elle a nomme des juges avec le soutien du President du barreau.

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