Edito // Pourquoi vous ne comprendrez jamais rien au Proche-Orient

Edito // Pourquoi vous ne comprendrez jamais rien au Proche-Orient

(sauf si vous êtes très têtu)

Ce 23 novembre, un double attentat à Jérusalem tue Aryeh Shupak, 15 ans, alors qu’il se rend au lycée puis, quelques jours plus tard, Tadasa Tashuma qui succombe à ses blessures. Il était 7h du matin, et les explosions à deux arrêts de bus ont fait également 22 blessés, dont une encore dans un état critique.

Sur France Culture, ce mercredi en milieu de journée, l’information fait la une. On évoque donc l’attentat, le lieu et l’heure, les victimes, le mode opératoire. Puis vient le contexte : « C’est la première fois depuis de très nombreuses années [2016 en fait, soit 6 ans] que la Ville Sainte se retrouve ainsi frappée par un double attentat. » Et là, n’y tenant plus, nous avons enfin l’explication du pourquoi du comment. Oui, il y a bien eu attentat, c’est mal. Mais citons encore France Culture : «  Il faut dire que depuis quelques mois, déjà, le contexte s’est considérablement dégradé. » Et là, tout s’éclaire : « Tout d’abord avec l’intensification des interventions israéliennes en Cisjordanie. Et ensuite avec le retour aux affaires prévu de Benjamin Netanyahou, lequel mène en ce moment des pourparlers sur la composition du futur gouvernement avec ses alliés des partis ultra-orthodoxes et de l’extrême droite. »

Donc, quand des Israéliens sont tués dans un attentat, l’information à retenir est :

  1. que c’est à cause des interventions israéliennes en Cisjordanie
  2. que c’est aussi à cause du retour prévu de Benjamin Netanyahou et de ses alliés peu fréquentables.

Voilà voilà.

Qui peut vraiment croire qu’il y a des attentats parce que Netanyahu a gagné les élections ? Non, mais quel rapport, vraiment ? Quant au pourquoi des interventions israéliennes en Cisjordanie, un petit mot ? Que nenni (voir notre article « Attention, chevalier en mission »).

Imaginez : « Paris, attentats sanglants du 13 novembre 2015, 130 morts et 350 blessés. Il faut dire que le contexte s’est considérablement dégradé. Tout d’abord,, avec l’opération Barkhane au Sahel visant les groupes armés jihadistes et les premières frappes aériennes françaises en Syrie en septembre 2015 pour “ lutter contre la menace terroriste que constitue Daech ”. Et ensuite, avec l’entrée en vigueur en octobre de la loi controversée sur le Renseignement annoncée par François Hollande après les attentats de janvier et qui définit le régime d’autorisation des techniques d’espionnage ».

Si ces raisons peuvent être celles des terroristes (il leur en faut moins que cela), quel journaliste digne de ce nom aurait eu l’indécence d’évoquer ce « contexte » ? Est-ce un contexte, ou un prétexte ?

Si on veut parler de contexte, pourquoi pas. Mais pourquoi ne pas évoquer tout le contexte ? Qu’est-ce qui empêche les journalistes sérieux de parler de l’endoctrinement à la mort en martyr1 et au rejet massif d’Israël (quelles que soient sa composition politique ou sa géographie) qui baigne la société palestinienne, endoctrinement massif, généralisé, transgénérationnel, omniprésent ? Pourquoi ne pas évoquer la politique de l’Autorité palestinienne de rétribution très lucrative aux familles de terroristes2 ?

Si l’on était tatillon et pernicieux, on vous parlerait même des insinuations de ce journal radio. Bon, si vous insistez, d’accord. A la première phrase de cette information, on apprend que les attentats ont eu lieu « l’une à l’entrée de la ville et l’autre à l’Est de Jérusalem ». À l’Est de Jérusalem ? En fait les explosions se sont produites, la première dans le quartier de Givat Shaul, en plein Jérusalem, à l’ouest d’une sorte de périphérique, l’autre une demi-heure après au carrefour de Ramot, plein nord de la ville. Donc rien à l’Est. Mais cela permet une allusion : si « l’Est de Jérusalem » n’est pas « Jérusalem-Est », cela permet tout de même d’insinuer, chemin faisant, qu’il y a des Juifs dans une partie de la ville qui est de facto attribuée aux Arabes et où les Juifs n’auraient rien à y faire. Donc s’ils meurent dans des attentats, ils l’ont bien mérité.

Mais il faut tout de même concéder que France Culture a au moins parlé « d’attentat », de double attentats même, quand l’AFP qui arrose tous les médias n’évoque lui que des « attaques », terme qui évoluera au fil de la journée en « attaques à la bombe »3.

Pour autant, ce n’est pas seulement du mauvais journalisme, parce qu’il donne un contexte décalé, qu’il omet 99 % du décor. Mais qui plus est, au journal d’une grande radio publique, on attend des faits, pas des extrapolations pourries.

***

Le journal radio de France Culture du 23 novembre, 12h30

Sur le site de France Culture

ou sur notre site : ici

Notes

1 voir notre article « Endoctrinement palestinien : le culte de l’enfant-martyr »

2Voir notre article « Le salaire de la terreur »

3 lire « Attentat, le mot interdit« , InfoEquitable, 24 novembre 2022

 

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