Edito // Strasbourg : IHRA ou IHRA pas ?

Edito // Strasbourg : IHRA ou IHRA pas ?

Retourner les outils de la démocratie contre elle-même

On a beaucoup parlé de la décision de la mairie de Strasbourg de participer au financement d’une mosquée régentée par un groupe très loin des principes républicains1 ; mais beaucoup moins de la décision, lors du même conseil municipal de ce 22 mars 2021, de rejeter la définition de l’antisémitisme de l’IHRA2 . C’est normal : l’antisémitisme est anecdotique. C’est toujours le parent pauvre, le dégât collatéral, la chose presque normale finalement. C’est comme l’interdiction d’entrée dans les magasins faites aux Juifs et aux coiffeurs3 . Pourtant, c’est par l’antisémitisme que tout arrive.

Les deux points portés au vote lors du conseil municipal de Strasbourg le 22 mars 2021. À gauche, le point 42, non adopté : “Résolution de Jean-Philippe VETTER relative à la reconnaissance de la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste”. À droite, le point 25, adopté : “Participation de la ville à la construction de lieux de culte à Strasbourg”, en fait un débat sur une subvention de la mosquée Eyyub Sultan de l’association Mille Millî Görüş.

Aujourd’hui, qui est gêné par cette définition de l’IHRA, officiellement adoptée par la France en 20194  ? l’AFPS, EELV, le PC, Mélenchon. C’est à dire ceux qui prétendent parler pour les Palestiniens, mais qui ne lèvent jamais le petit doigt quand ce sont les Libanais, les Syriens, le Hamas ou l’Autorité palestinienne elle-même qui les oppriment ou les tuent. Leur solidarité envers les Palestiniens s’arrête là où on ne peut plus taper sur les Israéliens.

 

Manifestation contre Israël, avec des analogies douteusesOr taper sur les Israéliens (enfin les Israéliens juifs, pas les Israéliens arabes), c’est tout ce qui les intéresse. La définition de l’IHRA énonce que « l’État d’Israël, perçu comme une collectivité juive, peut aussi être la cible de ces attaques ». Elle donne des exemples : « la négation du droit à Israël d’exister, la comparaison avec le nazisme, l’usage de stéréotypes antisémites pour caractériser Israël, le fait de tenir les juifs de manière collective pour responsables des actions de l’État d’Israël »5.

 

Quand on songe aux crimes perpétrés à l’école Otsar Hatorah de Toulouse ou à l’Hypercasher « au nom des enfants palestiniens »,

Sticker de BDS appelant au boycott de produits israéliens sur un mémorial en hommage à Anne Frank. On peut lire sur le sticker "Chez le pharmacien, TEVA, je n'en veux PAS - Boycott Israël"

Sticker de BDS appelant au boycott de produits israéliens sur un mémorial en hommage à Anne Frank. On peut lire sur le sticker « Chez le pharmacien, TEVA, je n’en veux PAS – Boycott Israël »

aux « mort aux juifs» scandés dans des manifestations « pro-palestiniennes » en juillet 2014, aux appels au boycott par une mairie communiste de produits cashers made in France, ou bien au stickers appelant à boycotter des produits israéliens sur un mémorial d’Anne Frank….on peut raisonnablement trouver du sens à la définition de l’IHRA.

 

A contrario, rejeter cette définition permet de ne pas faire les liens indispensables entre la recrudescence avérée et violente de l’antisémitisme en France et l’hostilité caricaturale et diffamatoire à l’encontre d’Israël.

 

Mais souvenons-nous : au début des années 2000, la flambée d’antisémitisme a correspondu avec la nazification des Israéliens, avec le retournement de la Shoah contre les Juifs. D’abord ignoré puis largement minoré, cet antisémitisme dérangeait car il ne venait pas de là où on aurait aimé qu’il vienne – l’extrême-droite. À refuser de voir l’antisémitisme tel qu’il est et d’où il vient, on a ouvert la boîte de Pandore, et les autres maux ont émergé.

 

Comment s’étonner dès lors que l’on ait une justification du terrorisme (cf. Charlie Hebdo), un renversement des victimes et des criminels (voir tous les contempteurs de Samuel Paty), une apogée du bannissement social (ce que l’on appelle la cancel culture) au détriment du débat ? Que l’on ait des féministes anti-féministes, des anti-racistes racistes ? Comment s’étonner que les ennemis de la République utilisent tous les outils juridiques et légaux contre la République ?

 

Tweet de Jean-Philippe Vetter 23 mars 2021 Tweet de Jean-Philippe Vetter, 23 mars 2021

 

A Strasbourg, la majorité EELV et PC a rejeté la résolution de Jean-Philippe Vetter, élu LR, d’adopter la définition de l’antisémitisme de l’IHRA. A Paris, un mois plus tôt, la majorité PS avait au contraire adopté cette définition, quand bien même la résolution avait été présentée par Francis Szpiner, maire LR du 16e arrondissement. La maire Anne Hidalgo déclarait être en total accord avec cette définition de l’IHRA.

 

Il y en a qui ont l’intelligence de comprendre que laisser affirmer que « l’existence d’Israël est une entreprise raciste » ou comparer la politique israélienne contemporaine à celle des nazis, c’est de l’antisémitisme pur et simple (ce ne le serait pas si c’était vrai….). Et les autres.

 

Notes

1 Millî Görüş est une association qui promeut un islam anti-occidental, se déclare proche des Frères musulmans et a refusé de signer la charte de l’islam de France élaborée au sein du CFCM. Lire le communiqué de presse de la préfète du Bas-Rhin, daté du 24 mars 2021, suite à cette décision. Lire également : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/mosquee-de-strasbourg-le-nouveau-cadeau-des-ecologistes-aux-islamistes-20210324 On peut écouter le débat (1 heure) sur ce sujet qui a précédé le vote lors du conseil municipale de Strasbourg le 22 mars 2021 : https://www.creacast.com/channel/strasbourg/?iid=8847

2 https://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-definition-de-travail-de-l-antisemitisme-elaboree-par-l-international-holocaust

3 Vieille blague juive. Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, deux amis discutent des derniers événements. Le premier : « Tu as lu le journal ? Hitler veut éliminer les Juifs et les coiffeurs. » Le second : « Pourquoi les coiffeurs ? ».

4 Notamment adoptée par l’assemblée nationale le 2 décembre 2019 (cf. https://franceisrael.fr/2019/12/12/antisemitisme-du-xxie-siecle-limperieuse-necessite-de-mettre-des-mots-sur-les-maux/

5 Cependant, les termes de sionisme et d’antisionisme ne figurent pas dans cette déclaration, tout est fait pour ne pas empiéter sur la liberté d’expression, et le document précise bien que « les critiques à l’égard d’Israël comparables à celles exprimées à l’encontre d’autres pays ne peuvent être qualifiée d’antisémites ». L’adoption de cette définition n’est pas contraignante juridiquement, elle ne créé pas de nouveau délit et ne vise pas à « réprimer l’antisionisme ». Elle a pour vocation essentiellement d’aider à une compréhension du phénomène antisémite, afin d’aider ceux qui sont chargés d’expliquer et d’analyser l’antisémitisme : professeurs des écoles et des universités, forces de l’ordre et magistrats.

 

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