Edito // Iran : rebuffade de Macron et politique de l’apaisement

Edito // Iran : rebuffade de Macron et politique de l’apaisement

Le 29 janvier dernier, lors d’un point de presse auquel participait la chaîne saoudienne Al Arabyia, Emmanuel Macron a suggéré d’inclure l’Arabie-Saoudite dans la renégociation projetée de l’accord nucléaire avec l’Iran. Dans la mesure où l’Arabie est un acteur majeur de la région, cette idée était légitime, constructive, équilibrée. Par la voix de son ministère des Affaires étrangères, Téhéran lui a opposé un non cinglant, assorti d’une invitation humiliante à « faire preuve de retenue .»1

La rebuffade injurieuse infligée à Macron soulève la question des motifs qui ont poussé les pays européens à ménager le régime des ayatollahs avec tant d’énergie et de persévérance.

Il y a cette vieille idée qui consiste non pas à combattre l’adversaire mais à le faire changer pour qu’il ne soit plus un adversaire. Il s’agit de l’apaisement. Dans les relations internationales, pratiquer l’apaisement c’est offrir son aide à une puissance hostile, lui faire des concessions, et fermer les yeux sur ses agissements agressifs en espérant en faire ultérieurement un partenaire.

Est-ce qu’alléger l’économie iranienne en levant une partie des sanctions stoppera son élan nucléaire offensif ? Telle est l’option stratégique européenne en tout cas. L’Europe a pourtant une connaissance parfaite du régime auquel elle a affaire. Un régime qui met le religieux et l’idéologie au-dessus de tout, au-dessus de l’économie et du bien-être de son peuple.

Personne parmi les dirigeants n’ignore où en est le programme nucléaire iranien, sa proximité temporelle avec la bombe atomique et ses missiles à tête nucléaire à portée intercontinentale, donc à portée de l’Europe et d’Israël, par exemple (Voir notre article).

Nul n’ignore la férocité du régime, qui lapide, pend et emprisonne à tour de bras (femmes, journalistes, athlètes, opposants, « blasphémateurs » etc.).

Nul n’ignore l’expansionnisme forcené du régime au Moyen-Orient appuyé par ses milices, allumant guerres et séditions au Liban, en Syrie, en Irak, au Yémen, à Bahreïn, en Arabie saoudite, etc.

« Si l’Europe veut devenir une menace, nous allons augmenter la portée de nos missiles », Hossein Salami, commandant des Gardes de la révolution

Emmanuel Macron n’ignore certainement pas non plus que ces toutes dernières années, le régime iranien a organisé un attentat à Villepinte en octobre 2018 contre un groupe d’opposition2 et la prise d’otage de la chercheuse franco-iranienne, Farida Adelkhah, détenue depuis juin 2019, et plus récemment, d’un touriste français depuis mai 2020.

C’est cette grille religieuse, idéologique et identitaire qu’il faut appliquer au régime iranien pour anticiper son comportement et calibrer les réponses à lui opposer. Le président Macron, humilié par la « diplomatie » iranienne, a déjà subi à plusieurs reprises cette mésaventure avec les ayatollahs. Par exemple, au tout début de son mandat, quand il a déclaré avec justesse et lucidité que « cet accord [nucléaire] […] doit être complété avec deux piliers, une négociation sur l’activité balistique de l’Iran […], et une discussion stratégique encadrant l’hégémonie iranienne dans toute la région ». Hossein Salami, devenu aujourd’hui le commandant des Gardes de la révolution, lui avait alors répondu : « Si nous avons maintenu la portée de nos missiles à 2.000 km, ce n’est pas par manque de technologie. […] Si l’Europe veut devenir une menace, nous allons augmenter la portée de nos missiles ».1 La leçon n’avait pas été entendue.

L’Iran a passé près de 20 ans à louvoyer, à gagner du temps, bref, à développer la tactique de l’évitement pour ne pas avoir à stopper son programme nucléaire et balistique offensif. Aujourd’hui, nous sommes à quelques mois de l’acquisition de l’arme nucléaire par l’Iran. Que faut-il faire ?

La guerre avec l’Iran n’est pas inéluctable. Mais dans la confrontation avec le régime iranien, il est indispensable de comprendre que toute concession appelle de nouvelles concessions. Au rapport de forces et à la taqqia (dissimulation), on peut opposer un éventail de contre-stratégies paralysantes à condition qu’elle soient assises sur la coopération USA-EU, la lucidité et la détermination.

Et s’il n’y a pas de coopération USA-EU, l’Europe pourrait devenir un acteur de poids dans le vide laissé par les États-Unis. Pour cela, encore faudrait-il arrêter de caresser les idéologues dans le sens du poil, ce qui ne fait que renforcer les extrémistes qui dirigent l’Iran.

 

1 Jean-Pierre Bensimon, « Emmanuel Macron, l’Iran, et les vicissitudes de l’apaisement »

2 Sur la tentative d’attentat de Villepinte. Le « diplomate » iranien Assadollah Assadi, également officier supérieur des services de renseignement, a été condamné le 4 février 2021 à 20 ans de prison par le tribunal correctionnel d’Anvers (Belgique) pour avoir organisé la tentative d’attentat de Villepinte (Paris) en juin 2018 contre un meeting annuel de l’opposition iranienne.

 

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