Edito // Vague de terreur et petites rivières
La question peut légitimement se poser : d’où vient que 4 attentats ont été perpétrés en Israël en deux semaines, entre le 22 mars et le 7 avril dernier, causant la mort de 14 civils ? Sans compter la vingtaine d’attaques échouées ou déjouées dans cette même période ?
La période, justement, n’est pas anodine
Il y a eu le Sommet du Negev, les 27 et 28 mars, qui a réuni les ministres des Affaires étrangères d’Israël, d’Égypte, du Bahreïn, des Émirats Arabes Unis, du Maroc et le
secrétaire d’État américain. Quatre États arabes qui sont entrés dans les accords d’Abraham, ce qui n’est pas du goût des dirigeants palestiniens. Tous les ministres arabes participant au sommet ont condamné l’attentat du 28 mars, sans ambiguïté. Mais il a été salué par le Jihad islamique palestinien comme une « réponse héroïque au sommet de l’humiliation et de la honte dans le Neguev occupé ». Quant au responsable du Hamas à Gaza, al-Aruri, il se déclarait « contre tout rapprochement arabe avec l’entité
israélienne ». Ajoutant que « chaque pas vers la légitimation et la coopération avec l’entité israélienne est une agression contre notre peuple et notre sainteté. »
Il y a également le ramadan, commencé le vendredi 1er avril. Le 31 mars, l’imam palestinien Ikrima Sabri lançait la traditionnelle accusation de « préparation surprise et agressive par Israël contre la mosquée al-Aqsa durant le Ramadan ». Le ramadan a toujours été une période propice à la propagation de cette fake news et à l’émulation de la violence.
Convergences des radicalités
Outre la période, il y a tout un travail de préparation des esprits. Le Bédouin israélien de l’attentat de Beer Sheva est affilié à Daesh, qui a du reste revendiqué la tuerie. Il a été condamné à 4 ans de prison (il en a fait 3) pour la formation d’un groupe qui prévoyait de se rendre en Syrie et de rejoindre Daesh, pour avoir promu l’idéologie jihadiste auprès d’enfants (il était enseignant en primaire) et à la mosquée. L’attentat de Hadera perpétré par 2 Arabes israéliens de Umm el-Fahm – ville de Galilée connue pour être un noyau de l’islamisme – a été revendiqué par Daesh.
Or ces 2 attentats ont été salués et fêtés par le Jihad islamique et le Hamas. À Beyrouth, au Liban, les partisans du Hezbollah ont célébré la fusillade de Bnei Brak dans les rues et des bonbons ont été distribués. Le FPLP n’a pas manqué de louer l’attentat de Tel-Aviv.
Mais on aurait tort de croire que la radicalité n’appartient qu’à Daesh, au Jihad islamique,au Hamas ou au FPLP. L’Autorité
Palestinienne (AP) ne peut se permettre un enthousiasme trop évident, car son existence dépend largement des fonds européens et américains. L’UE vient d’ailleurs de suspendre ses financements des manuels scolaires palestiniens à cause de leur contenu violent, haineux et antisémite (lire notre article).
Du coup, après avoir quand même glorifié l’attentat de Beer Sheva (4 personnes assassinées), l’AP, vivement critiquée en cela par Israël, a choisi de demeurer silencieuse pour l’attentat de Hadera (2 morts). Black out total, personne n’en parle, ni officiellement ni dans les médias. Mais c’est seulement quand les États-Unis ont fait pression sur Mahmoud Abbas que l’AP a émis une condamnation de l’attentat de Bnei Brak. Une très timide condamnation. Alors que 5 civils viennent d’être tués (3 Israéliens et 2 Ukrainiens) -comme ce père qui promenait en poussette son fils de 2 ans et qui s’est fait tué à l’arme automatique en le protégeant-, Abbas dit condamner l’attaque, mais inverse rapidement la situation, en prévenant que des « colons israéliens » ou « d’autres parties » (on image l’armée israélienne ?) peuvent être tentés « d’exploiter cet incident » (oui, il parle d’incident) pour mener des attaques contre le peuple palestinien.1
L’incitation palestinienne, une arme insidieuse et constante
Pour ne pas paraître faire le jeu de l’extrémisme, l’AP utilise une rhétorique occidentalo-compatible. Et cette rhétorique est parfaitement comprise de ceux à qui elle est destinée. Les Palestiniens en sont gavés jusqu’à plus soif : télé, radio, journaux, émission pour enfants, manuels scolaires, colonies de vacances, cérémonies etc.
Le Président Abbas, lors d’un discours en février dernier à une réunion de l’OLP, a appelé à « initier une résistance populaire »2. C’est le mot pour attentats à volonté, mais c’est plus racoleur pour nous, Occidentaux. Il y a aussi les termes de « lutte par tous les moyens ».
Le Fatah, le parti d’Abbas, a d’ailleurs embrayé en faisant l’éloge du terroriste de l’attentat de Bnei Brak, « un héros martyr » qui a « bravement défendu son peuple ». Sur la page Facebook du Fatah, on pouvait lire que ce héros-martyr affilié au Fatah était un « symbole de l’héroïsme et de l’abnégation. »3 Abnégation peut-être, car sa famille bénéficiera d’un salaire confortable selon le système désormais bien connu « pay for slay » (payer pour tuer), qui permet à ces familles de recevoir des pensions très au-dessus du salaire moyen palestinien, et certainement au-dessus du salaire d’un professeur des écoles.
Et l’optimisme, dans tout ça ?
Ça ne veut pas dire que tous les Palestiniens sont dupes. Certains aimeraient vivre en paix avec leurs voisins israéliens. Mais ils vivent sous un régime autocrate et corrompu où les tentatives de protestation peuvent finir en mort. Nizar Banat, candidat aux élections législatives et voix critique contre Mahmoud Abbas, a été tué le 24 juin 2001 lors d’une arrestation musclée. Que peut un jeune de 15 ou 20 ans qui toujours vu les terroristes, tous, érigés en héros, qui a baigné depuis toujours dans un système d’embrigadement idéologique duquel il est bien difficile de sortir ? Quelle génération a été préparée quand le parti d’Abbas répète à l’envi que « le Fatah est un moyen de libérer la Palestine. Notre guerre est contre les Juifs. »4
A l’heure actuelle, peut-être la seule source d’optimisme demeure-t-elle dans les Accords d’Abraham, qui, bien que conclus entre États, se traduisent par des rapports de plus en plus fréquents et chaleureux entre les peuples, notamment avec les Émiratis et les Marocains. Les grands fleuves commencent par de petites rivières.
1Agence de presse officielle de l’AP, WAFA, (en anglais), 29 mars 2022. Source : Palestinian Media Watch
2Télévision officielle de l’AP, 8 février 2022. Source : Palestinian Media Watch
3Facebook, page du Fatah branche de Naplouse, 29 mars 2022. Le post est assez long, on y trouve notamment des phrases comme « Et ne pense jamais que ceux qui ont été tués dans le sentier d’Allah sont morts. Au contraire, ils sont vivants auprès de leur Seigneur » [Coran 3:169, traduction Sahih International] ». Et plus loin : « Nous nous inclinons devant toi avec honneur et admiration. Nous te promettons, martyr héroïque, que nous continuerons jusqu’à la victoire ou le martyre, et la victoire est en effet proche, si Allah le veut. » Source : Palestinian Media Watch
4Page Facebook de la commission Information et Culture du Fatah, 27 mars 2022. Source : Palestinian Media Watch
Récapitulatif des derniers attentats
22 mars, attentat de Beer Sheva à la voiture-bélier et l’arme blanche, 4 morts et 2 blessés graves. Terroriste de 34 ans, originaire de la ville bédouine de Hura, dans le Néguev qui a été condamné à 4 ans de prison pour la formation d’un groupe qui prévoyait de se rendre en Syrie et de rejoindre Daesh, pour avoir promu l’idéologie jihadiste (il était enseignant en primaire) aux enfants et à la mosquée. Attentat revendiqué par Daesh.
Victimes : Moshe Kravitski, Doris Yahbas, Menahem Yehezkel, Laura Yithak
27 mars, attentats de Hadera, 2 policiers de 19 ans tués. Deux Arabes israéliens originaires de la ville centrale d’Umm al-Fahm ont été identifiés comme les auteurs de l’attaque meurtrière. Umm al-Fahm est connue pour être un noyau de l’islamisme. Attaque revendiquée par l’État islamique.
Victimes : Yezen Falah, Shirel Abukarat
29 mars, attentats de Bnei Brak, 5 morts (3 Israéliens, 2 Ukrainiens)
Le terroriste, Palestinien originaire d’un village près de Jénine, avait déjà purgé une peine de deux ans et demi de prison en Israël pour avoir planifié un attentat suicide, appartenance à un groupe terroriste et trafic d’armes.
Victimes : Amir Khouri, Dimitri Mitrik, Avishaï Yehezkel, Victor Sorokopot, Yaakov Shalom
7 Avril, attentat de Tel-Aviv. Terroriste originaire de Jénine.
Victimes : Tomer Morad, Barak Lufen, Eitam Meguini