Du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem aux accords d’Abraham

Du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem aux accords d’Abraham

Vers un nouveau Moyen-Orient ?

par Alain Herbeth

Le 14 mai 2018, jour du 70e anniversaire de la création de l’État d’Israël, l’ambassade américaine quitte Tel-Aviv pour rejoindre Jérusalem, à l’Ouest de la ville.
Le symbole est fort et, bien sûr, l’Autorité palestinienne crie à la provocation. Il est vrai qu’installer l’ambassade US à l’Ouest de Jérusalem a une double signification : les États-Unis affirment ainsi que Jérusalem-Ouest est une zone non négociable, sans dire pour autant que Jérusalem-Est doit être considérée comme la capitale d’un éventuel État palestinien.

Dévoilement de l'ambassade américaine à Jerusalem, 14 mai 2018

Dévoilement de l’ambassade américaine à Jerusalem, 14 mai 2018 ©Avi Ohayon GPO

Le plus important, dans ce transfert, est la disparition définitive de la notion d’internationalisation de Jérusalem. Jamais les États-Unis n’avaient officiellement renoncé à cette notion depuis le vote survenu à l’ONU, le 29 novembre 1947, de la motion 181. Celle-ci instituait le partage des terres situées entre la mer et le Jourdain et faisait de Jérusalem un « corpus separatum » administré par les Nations-Unies. Notons, pour mémoire, que ce partage a été accepté par ceux qui allaient diriger Israël mais refusé par l’ensemble des pays arabes.

La résolution 181 est définitivement enterrée

La guerre d’indépendance, provoquée par les armées arabes coalisées, dès l’annonce faite par David Ben Gourion de « la création d’un État juif qui portera le nom d’Israël » a gelé pour longtemps ce processus d’internationalisation de Jérusalem. En 1949, la ligne de cessez-le-feu coupe Jérusalem en deux, une partie sous contrôle jordanien, à l’Est, et à l’Ouest la partie juive. Le Kotel (Mur occidental) est placé sous contrôle jordanien avec interdiction aux Juifs d’aller y prier. Ce n’est qu’à l’issue de la guerre des Six Jours, en 1967, que Jérusalem sera libérée et réunifiée. C’est alors que certains parleront de « territoires occupés » alors qu’ils étaient muets entre 1949 et 1967.

Le transfert de l’ambassade américaine a une autre conséquence, c’est de rendre impossible ce qui aurait pu se passer lors des négociations menées aux États-Unis par Ehoud

Texte signé des Accords d'Abraham, entre Israël, Bahreïn et les Émirats Arabes Unis, 15 septembre 2020

Texte signé des Accords d’Abraham, entre Israël, Bahreïn et les Émirats Arabes Unis, 15 septembre 2020

Barak puis par Ehoud Olmert. Ceux-ci, en effet, étaient prêts à partager Jérusalem, encouragés par Bill Clinton et George W Bush. Donald Trump, à sa façon, a écarté la menace d’un retour inopiné d’un plan comparable. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser que Jo Biden lui-même n’y reviendra pas. C’est que, désormais, les accords d’Abraham ont été signés.

Les accords d’Abraham ou l’annonce d’un monde nouveau

Le 15 septembre 2020, les Émirats Arabes Unis, le Royaume de Bahreïn et l’État d’Israël signent les Accords d’Abraham instituant la paix et le retour des relations entre toutes les nations signataires. Un accord majeur qui sera suivi par le Soudan un mois plus tard, en octobre, et qui ne sera pas dénoncé malgré une situation politique devenue instable. En décembre, c’est le Maroc qui suit.

Ces accords sont-ils les prémices d’un nouveau Moyen-Orient, rêvé jadis par Shimon Peres ? Pas encore, mais ces accords ne doivent pas être minimisés. Aujourd’hui l’Étoile de David flotte sur les ambassades israéliennes de pays arabes, les liaisons aériennes sont nombreuses et régulières, les touristes affluent, les hommes d’affaire aussi, des partenariats de nouent… bref, la question palestinienne n’est plus la question centrale. Elle passe au second plan pour le monde arabe sunnite surtout préoccupé par la menace iranienne ou par les gesticulation du président truc Erdogan. Le monde sunnite est également sensible aux gains espérés par cette nouvelle normalisation.

Toute la région l’a compris, l’environnement géopolitique s’en trouve largement modifié. Erdogan, bien sûr, qui a multiplié les déclarations hostiles aux accords d’Abraham, prenant la tête, avec les Frères musulmans, de leur contestation, avant de revenir faire des « appels du pied » à l’égard d’Israël. L’Iran aussi l’a bien compris et il mesure le poids de la coalition sunnite. C’est pourquoi ils accélèrent le rythme pour se doter de l’arme atomique pendant qu’ils arment massivement les milices du Hezbollah au Liban et en Syrie, les transformant en une véritable armée richement dotée dans le seul but d’affronter Israël.

La fin du triple Non de Khartoum

Guerre des Six-Jours- Wailing Wall Road avec le ministre de la Défense Moshe Dayan et le général Narkis – 6 juin 1967 ©Ilan Bruner GPO

A la veille de la guerre des six jours, en 1967, les dirigeants des pays arabes voisins, ainsi que l’OLP, signifient un triple « Non » à Israël : Non à sa reconnaissance, Non à toute négociation, Non à la paix… Quelques guerres plus tard, cette situation a bien changé. Aujourd’hui, nous assistons à la fin du droit de veto palestinien sur les relations d’Israël avec son voisinage. Et pourtant les opinions de la « rue arabe » ne se sont pas modifiées pour autant. Les résultats d’une enquête menée en 2019 sont assez clairs : le rapprochement avec Israël est approuvé par 23% des Égyptiens, 19% des Libanais, 14% des Jordaniens et par 13% de Marocains… la lanterne rouge étant la Tunisie avec 9% d’approbation.

La réalité est pourtant plus forte que ces oppositions. Une vieille idée est tombée, celle qui consistait à croire qu’une normalisation avec Israël serait le produit exclusif de compromis significatifs faits en faveur des Palestiniens. Ce n’est plus le cas et la formule « la paix contre la terre » vient d’être remplacée par une autre, « la paix contre la paix ».

Le temps est passé depuis la signature des accords d’Abraham. Les acteurs principaux sont sortis de la scène, que ce soit Trump ou Netanyahu, mais le mouvement mis en place continue. C’est ainsi que le ministère des Affaires étrangères israélien vient de confirmer qu’Israël et l’Indonésie, (le pays musulman le plus peuplé au monde), travaillent en vue d’une future normalisation de leurs relations diplomatiques.

 

Dans l'avion du 1er vol commercial Israel-Emirats Arabes Unis- 31 aout 2020

Dans l’avion du 1er vol commercial Israel-Emirats Arabes Unis- 31 aout 2020

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