Interview // Roland Bénichou, médecin et humanitaire
Quatre questions sur la crise sanitaire au Dr Roland Bénichou. Avec son collègue israélien Mikaël Lévy, il est à l’origine d’un projet tripartite médical et humanitaire avec l’Ethiopie*
Roland Bénichou est un médecin français, anesthésiste-réanimateur au CHU de Rouen, spécialisé en réanimation cardiaque. C’est un peu court pour présenter cet homme qui a de très nombreuses cordes à son arc, parmi lesquelles médecin chef de réserve du Service de Santé des armées, neuro-anesthésiste à l’hôpital Saint-Anne de Paris, médecin Sapeur Pompier (volontaire) etc. C’est aussi un homme investi dans de nombreuses missions humanitaires, en Bosnie, au Kossovo, au Tachad, à Djibouti, au Gabon…Il a reçu en 2012 la distinction de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite. Mais la liste de ses distinctions nationale et internatinale font une page entière.
Comment envisagez-vous le déconfinement ?
Celui-ci doit être progressif afin de pouvoir contrôler toute résurgence de l’épidémie. Il faut pouvoir disposer de moyens diagnostics biologiques capables de rechercher la présence de Covid-19 (prélèvement rhino-pharyngés) ou d’avoir une connaissance de l’immunité face à ce Covid-19 en recherchant et dosant les anticorps (tests sanguins).
Il faut pouvoir également avoir accès à un prix raisonnable à des masques (de type chirurgical à usage unique ou en tissus lavable et réutilisable) pour pouvoir protéger les autres personnes (et non soi-même) de toute transmission lorsque la personne se trouve à l’extérieur, dans les transport en commun ou en véhicule avec plusieurs personnes, à son travail. Le respect des mesures barrière est impératif avec distanciation, lavage des mains au savon ou gel hydro-alcoolique.
Commencer par les travailleurs actifs et en bonne santé afin de relancer l’économie et les jeunes car moins sensibles au Covid (même s’il existe des formes d’atteinte chez les sujets jeunes mais beaucoup moins nombreuses ). Toute personne non active ou retraitée ayant des facteurs de comorbidité (maladies pulmonaires, obésité avec IMC supérieure au égale à 35, diabète, traitement immunosuppresseur, greffé, maladie métabolique, insuffisant rénal, atteinte cardiaque etc., ces personne doivent rester confinées pendant un mois après le retour au travail des autres sujets et à condition de l’absence de nouveau cas en quantité anormale avec hospitalisation.
Le président Macron a dit dans son discours du 13 avril dernier : « Nous n’allons pas tester toutes les Françaises et tous les Français, cela n’aurait aucun sens ». Que pensez-vous d’un dépistage systématique / à la demande / en libre-service ?
Il y a deux type de dépistage : d’une part la recherche de la présence du virus par prélèvement naso-pharyngé (technique de PCR). Le résultat nécessite entre 4 et 8 heures ; d’autre part la recherche d’une immunité récente via des tests sanguins (voire actuellement recherche sur un test salivaire) montrant la présence d’anticorps chez le sujet. Ces test durent environ 15 minutes sur bandelette.
On ne peut faire un test à toutes les personnes, car ce serait trop lourd à mettre en œuvre, trop coûteux et non efficace à 100 % (faux positifs, faux négatifs, tests à refaire si négatifs, et combien de fois ?). Il faut les réserver aux sujets vivant avec personne atteinte, aux sujets fragiles, aux personnes travaillant au contact des patients atteints (personnels soignants, ambulanciers, pompiers, travailleurs sociaux etc.). Ce test devrait être prescrit par un médecin qui pratiquera un interrogatoire (même sous visio-consultation ) et doit être remboursé par les organismes de sécurité social. Toute autre demande personnelle se ferait de façon personnelle et non remboursée.
Comment voyez-vous la gestion de la crise en en Israël ?
Il y a eu beaucoup d’erreur au début : mauvaise communication initiale, minimisation de l’’épidémie, non prise en compte de l’Extrême-Orient (Chine , Corée du Sud etc. ), non fermeture des frontières en attendant une prise de décision de l’Europe…L’Italie, pays frontalier avec la France, a été atteinte avant nous et confrontée aux mêmes problèmes (absence de masque, manque de lits de réanimation, de respirateurs, absence de confinement correct. Aussi, ne tenant pas compte de cette expérience, nous avons perdu environ 15 jours où nous aurions pu commander les masques qui ont cruellement fait défaut et commencer un plan de modification et de montée en puissance de nos hôpitaux.
Il y a également eu une absence d ‘utilisation du secteur libéral (hôpitaux et cliniques privés ) qui auraient pu être mis à contribution dans le cadre de l’effort national. Il y a eu défaut de tests en quantité suffisante afin de pouvoir faire des diagnostics précoces et isoler les personnes comme cela s’est fait dans de nombreux pays.
Quand on voit qu’en Israël, « petit pays » de 9 millions d’habitants (soit 9 % de la population française), les frontières ont été fermées très tôt et les personnes arrivant de l’étranger mises en quatorzaine, et ce malgré l’opposition d’une certaine partie des politiques. Mais le Premier ministre a tenu bon malgré cela, les hôpitaux sont montés en puissance en 24 heures par l’utilisation des parkings de l’hôpital pour être transformés en hôpital bis capables de séparer les patients atteints du Covid-19 de ceux atteints d’autres pathologies…
Israël n’a pas transféré de patients vers d’autres pays contrairement à la France. Il faut dire que les hôpitaux israéliens sont habitués malgré eux à gérer des afflux massifs de blessés.
Au 30 avril, il y a en Israël 219 morts, pour 24.087 en France, soit quinze fois plus en proportion de la population.
Où en est-on de la recherche de vaccin, de test virologique et sérologique ?
Tous les pays développés ont mis leurs laboratoires de recherche pour trouver un vaccin. De même,
plusieurs études sont en cours en Europe et dans le monde sur les traitements possibles sur le Covid-19. Il en est de même pour les tests de dépistage du virus ou de l’immunité.
Il est discuté en ce moment de l’infestation par le Covid 19 d’une bactérie présente dans le tube digestif et qui serait responsable des effets systémiques (respiratoires, cutanés, thromboses, neurologiques, myocardique etc. ) par largage de toxines inflammatoire. D’où le traitement par hydrochloroquine et antibiotique associé préconisé par le Pr Raoult, surtout en début d’atteinte.
*Le projet franco-israélo-éthiopien
Durant un congrès international de neurochirurgie pédiatrique à Tel-Aviv (octobre 2018), le Dr Mikael Levy a rencontré 3 collègues éthiopiens. Il leur a proposé de lancer un projet commun pour établir à l’hôpital Black Lion d’Addis-Abeba une unité de neurochirurgie fonctionnelle pour enfants et adultes, rendre les médecins éthiopiens autonomes, et faire de cet hôpital l’institut national en la matière. Le Dr Bénichou, rencontré quelques mois plus tard à Paris lors d’une formation, s’est joint au projet, qui est devenu tri-national.
L’idée pour ces deux hommes épris de justice est de combler le fossé qui existe entre les pays à forts revenus et ceux à plus faibles revenus. En Éthiopie, 5 à 7 % de la population souffre d’épilepsie, 85 % d’entre eux ne recevant pas de traitement approprié. Il en va de même pour les troubles liés à la maladie de Parkinson, la dystonie, la syndrome Gilles de la Tourette, et de nombreuses autres maladies neurologiques.
L’Association France-Israël, Alliance Général Koenig est fière de sponsoriser ce projet, pour lequel une recherche active de financement est en cours (en France et en Israël).