Le bras étendu (et très armé) de l’IRAN
Résumé
Les événements du 7 octobre ont créé une nouvelle réalité au Moyen-Orient et, tandis que les répercussions continuent de se faire sentir, la communauté internationale tente de s’adapter et d’empêcher une nouvelle escalade. Mais voit-elle juste ? Au-delà du front de Gaza, et depuis ce 7 octobre, le Hezbollah a intensifié ses attaques dans le nord d’Israël, les groupes terroristes irakiens et syriens ont attaqué des bases militaires américaines plus de 160 fois et les Houthis au Yémen prennent régulièrement pour cible les navires passant par la mer Rouge, paralysant ainsi une importante voie de navigation mondiale.
Bien que ces attaques soient géographiquement réparties dans toute la région et incluent plusieurs pays différents, elles ont toutes un point commun : l’Iran.
L’Iran a l’habitude de tirer les ficelles, mais elle devient plus audacieuse dans ses actions. Généralement, Téhéran emploie ses
mandataires pour faire son sale boulot tout en maintenant un déni plausible. Quand sa milice irakienne a mené une frappe de drone sur une base militaire américaine en Jordanie, tuant 3 soldats américains – dernière d’une série de frappes en Syrie et Irak contre des sites militaires américains par des groupes soutenus par l’Iran- l’Iran a eu peur d’une réaction américaine. Mais la République islamique s’est montrée menaçante et les États-Unis, comprenant le message, n’ont répliqué qu’en visant des cibles iraniennes en Syrie et Irak.
Ces escalades sont encore plus inquiétantes si l’on tient compte du fait que l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique) a trouvé une petite quantité d’uranium hautement enrichi à 83 %, un niveau juste en dessous de celui de qualité militaire. L’audace renouvelée de l’Iran, ainsi que ses capacités nucléaires potentielles, constituent une menace énorme pour la stabilité internationale, et pas seulement pour le Moyen-Orient.
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L’Iran chiite développe depuis toujours une guerre par procuration (hormis la guerre Iran-Irak) qui lui permet d’engranger les gains sans subir aucune perte sur son sol. C’est ainsi qu’elle manipule ses pions à sa convenance : le Hezbollah de longue date ; le Hamas de façon plus surprenante, ce groupe étant le seul dans ses bras armés à être sunnite ; plusieurs milices chiites en Irak et en Syrie ; les Houthis au Yémen, dont on découvre à l’occasion de la guerre Israël-Hamas le pouvoir de nuisance sur la liberté de commerce au niveau mondial ; enfin, et cela est non négligeable, une guerre idéologique en Occident à travers des mouvements d’influence parfois très bien infiltrés.
Depuis le 7 octobre, l’Iran a activé tous ses bras armés dans l’espoir de venir à bout de l’ennemi qu’il s’est désigné, Israël.
Les faiseurs de guerre iraniens pouvaient s’attendre certes à une réplique israélienne, mais ne semblait pas s’attendre en revanche à un tel soutien américain qui, en envoyant ses portes-avions en Méditerranée, a envoyé un message très fort : les États-Unis ne laisseront pas l’étau mortel se refermer sur Israël.
Toutefois, les choses ne sont pas si simples, et la guerre que mène l’Iran par procuration est dangereuse. Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir de nuisance des dictatures, d’autant qu’il y a ces temps-ci une alliance des régimes tyranniques : Iran, Corée du Nord, Russie, Chine.
Hezbollah
Le parti chiite libanais a commencé son envoi de missiles sur Israël dès le 8 octobre 2023, au lendemain du pogrom anti-israélien par le Hamas. Il était clair dès le début que le Hezbollah entendait ouvrir un front au Nord, mais l’arrivée du porte-avions américain dans la zone a convaincu l’Iran de ne pas trop appuyer sur ce levier.
Cependant, le Hezbollah va crescendo dans ses attaques, tant par le nombre de tirs (plus de 2000 missiles tirés) que par le choix des cibles (on déplore 16 victimes du côté israélien, 10 soldats et 6 civils). En Israël, 42 communes ont été évacuées, soit 61.800 Israéliens. Le Hezbollah tente néanmoins de rester dans la zone tolérable tout en cherchant à affaiblir Israël.
Mais la population libanaise non acquise au Hezbollah voit d’un très mauvais œil cette montée en puissance, d’autant qu’il commence à y avoir des victimes civiles côté libanais, outre le nombre de Libanais qui ont dû évacuer le Sud-Liban (86.700).
Est-il si urgent que le Liban et le peuple libanais paient le prix pour que l’Iran ait une frontière avec Israël ?
Samir Geagea, chef du parti libanais Forces Libanaises, 25 janvier 2024
Opposition libanaise au Hezbollah
En décembre 2023, l’archevêque catholique du Liban, Hana Rahma, suggérait que le Hezbollah remette ses armes iraniennes à l’armée afin qu’elle puisse remplir sa mission de sécurité au sud du Liban.
Samir Geagea, le chef de file du parti chrétien Forces Libanaises et opposant du Hezbollah, se demande (25 janvier 2024) : « est-il si urgent que le Liban et le peuple libanais paient le prix pour que l’Iran ait une frontière avec Israël ? », ce qui est une jolie et sarcastique manière de dénoncer l’ingérence iranienne et la mainmise du Hezbollah sur le Liban. Et Samir Geagea ajoute : « le refus du Hezbollah de se conformer à la résolution 1701 [du Conseil de sécurité de l’ONU] aura pour conséquence une action militaire israélienne contre le Liban, tandis que si l’armée libanaise se déploie le long de la frontière, les risques de guerre tombent de 60 % à 0. »
On ne peut mieux résumer la situation, et ajouter que malheureusement, le Hezbollah est plus puissant militairement que l’armée libanaise régulière (l’explosion du port de Beyrouth en 2020 n’étant que la partie émergée de l’iceberg).
Le 28 janvier 2024, la pression monte encore au Liban, quand le patriarche maronite Bashara a-Rai déclare que le peuple libanais refuse « d’être victimes d’une éducation qui sanctifie la mort, au nom de victoires imaginaires ». Message direct au Hezbollah, qui tombera comme les autres à la trappe tant le jusqu’au-boutisme du mouvement chiite, aligné sur l’Iran, ne laisse la place à aucun aménagement raisonnable.
Le 13 février 2024, la guerre étant bien là, des députés d’opposition dénoncent une « confiscation de la décision de guerre » par le Hezbollah. Ils ont estimé que le gouvernement libanais « a confié sa décision et sa souveraineté à l’Iran », à travers le parti chiite qui lui est affilié [le Hezbollah].
Hamas
Le Hamas étant sunnite, émanation directe des Frères musulmans égyptiens, et l’Iran étant chiite, on peut s’étonner de l’alliance qui s’est créée entre le groupe terroriste palestinien et la « république » islamique. Toutefois, le but des deux étant la destruction d’Israël, une alliance de circonstance est la bienvenue. Et cela est tout au bénéfice de l’Iran, comme d’habitude, car ceux qui se font tuer ne sont pas iraniens. De plus, toute la manne financière distribuée au Hamas l’est au détriment du peuple iranien, pas des dirigeants iraniens et de sa milice, les Gardiens de la révolution.
Le 6 février 2024, le porte-parole de Tsahal en arabe donnaient des informations inédites révélant les liens directs entre l’Iran et le Hamas, et Yahya Sinwar en particulier.
Dans une des planques de Sinwar dans un tunnel de la bande de Gaza, l’armée israélienne a découvert un document officiel émis par le Hamas et daté de 2020, incluant des détails sur les montants financiers transférés par l’Iran de 2014 à 2020. 150 millions de dollars en tout ont été transférés de l’Iran au Hamas.
L’armée a également trouvé un coffre-fort contenant plus de 20 millions de shekels en espèces destinés à l’usage personnel de Sinwar.
Ces montants s’ajoutent aux dizaines de millions de shekels déjà trouvés dans les tunnels du Hamas.
Hamas, Hezbollah et Iran
Le 22 novembre 2023, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, a rencontré dans sa cachette au Liban 2 représentants du Hamas : Osama Hamdan, le représentant du Hamas au Liban, et Khalil al-Hayya, vice-président du Hamas à Gaza. Ils ont discuté de l’importance de poursuivre la coordination entre le Hamas et le Hezbollah « pour atteindre la victoire ».
Le 13 février 2024, une réunion de haut niveau a eu lieu à Doha au Qatar, dans une résidence ultra-sécurisée, entre les dirigeants de l’Iran et du Hamas. Le ministre des Affaires étrangères iranien, Amir Abdollahian, rencontrait Ismail Haniyeh, leader politique du Hamas vivant entre le Qatar et la Turquie.
« Dieu est grand, mort aux États-Unis, mort à Israël, maudits soient les Juifs et victoire de l’Islam »
Devise des Houthis
Yemen
A l’occasion de la guerre déclarée par le Hamas le 7 octobre 2023, le monde a découvert les Houthis, ces Yéménites chiites qui ont combattu l’Arabie-Saoudite durant 10 ans, qui mettent leur pays à feu et à sang (cela dure encore aujourd’hui), et portent désormais atteinte au commerce mondial depuis la partie du Yémen dont ils ont pris le contrôle et qui donne sur la mer Rouge.
Les Houthis se nomment également « Ansar Allah » (« partisans de Dieu ») et sont admiratifs du Hezbollah. D’ailleurs leur devise est : « Dieu est grand, mort aux États-Unis, mort à Israël, maudits soient les Juifs et victoire de l’Islam », ce qui fait déjà un beau programme. Ils sont munis de missiles et de drones fournis par l’Iran, qui les a également formés. On les a même vus aborder des navires de commerce à bord d’un hélicoptère.
Le 19 octobre 2023, 12 jours après le pogrom en Israël et après les premiers tirs de missiles houthis, Abdellohab Al-Mahbashi, membre du bureau politique des Houthis, déclare : « La main des Yéménites est sur la gâchette et ils attendent l’ordre pour procéder ». Et l’ordre est venu. Mais l’Iran regarde ailleurs, s’offusque presque et répond que non, il n’est pas impliqué !
L’Égypte est la victime collatérale des Houthis, puisque les taxes qu’elle doit percevoir de la navigation via le canal de Suez en mer Rouge ont chuté de près de 50 %, de nombreux navires préférant des routes plus longues mais plus sûres pour relier l’Asie au reste du monde.
L’Égypte a exhorté les rebelles yéménites à réduire les attaques contre les navires (notez : réduire, pas cesser) au motif que cela affecte son économie. Elle les a appelés à mener leurs actions de manière sporadique et non régulière…Les Houthis ont refusé. Au 21 février 2024, on en était à 76 navires attaqués dans le golfe d’Aden, sans compter 49 cibles israéliennes visées (notamment la ville d’Eilat).
Le Caire a envoyé un message à Téhéran pour exercer des pressions sur l’Iran afin de « prévenir une détérioration supplémentaire de la situation sécuritaire dans la région ». En vain.
Le 15 février 2024, la coalition occidentale présente dans le golfe d’Aden pour protéger les navires saisit un petit bateau qui n’a l’air de rien, mais qui transporte des armes et des munitions en provenance d’Iran pour les Houthis : missiles balistiques de moyenne-portée, drones, navires sans pilote, missiles antichar, du matériel de communication et bien plus encore.
Encore une fois, c’est un jeu gagnant-gagnant pour l’Iran.
Irak et Syrie
Dès le 11 octobre, les médias arabes rapportent qu’un avion cargo iranien a atterri à Damas.
Le lendemain, 12 octobre un avion transportant le ministre iranien Affaires étrangères devant atterrir à Damas est dérouté sur Beyrouth, à cause de l’attaque de l’aéroport syrien par Tsahal.
Les allées et venues ne vont pas cesser entre l’Iran et la Syrie, jusqu’à un ralentissement, quand trop de hauts dirigeants iraniens ont été éliminés par Israël.
En février 2024 en effet, les éliminations par Israël d’officiers iraniens en Syrie commencent à porter leurs fruits, puisque les Gardiens de la Révolution « ont réduit le déploiement de leurs officiers supérieurs en Syrie » (Reuters, 4 février).
Razi Mousawi, par exemple, était l’un des nombreux Iraniens résidant en Syrie mettant en œuvre la politique de Téhéran. Agent de liaison entre la Syrie et l’Iran, il avait le grade de général au sein de la force Qods des Gardiens de la Révolution. Il a été ciblé et tué par Israël le 25 décembre 2023, alors qu’il tirait des missiles depuis un appartement à Damas.
Les Iraniens vont désormais compter davantage sur les milices chiites alliées pour maintenir leur influence sur place.
Israël n’est pas le seul dans le collimateur, puisque depuis le 17 octobre 2023, les bases américaines (et celle de la coalition anti-jihadiste) ont essuyé plus de 170 frappes en Irak et en Syrie.
Le 28 janvier 2024, une attaque en Jordanie (à la frontière avec la Syrie) contre une base américaine fait 3 morts et plus de 40 blessés. Les milices irakiennes des Brigades du Hezbollah, Kataib Hezbollah, sont accusées par Washington.
L’Iran sent que c’est allé trop loin et tente à la fois de calmer le jeu et de se montrer menaçant par peur d’une attaque sur son sol. Le commandant des Gardiens de la révolution islamique, Hossein Salami, déclare n’être pas intéressé par une guerre, mais que cependant, l’Iran se défendra contre ses ennemis. « Les Américains doivent savoir que nous répondrons à toute agression. »
Le 30 janvier, le Secrétaire général de Kataib Hezbollah annonce la suspension des agressions contre les forces américaines dans la région, insistant sur le fait que l’Iran n’est pas au courant de leurs actions. Bien qu’il cherche à disculper l’Iran, des sources irakiennes affirment que cette annonce est intervenue suite à un accord entre le Premier ministre irakien, al-Soudani, et Ismail Qaani, commandant de la force Qods au sein des Gardiens de la révolution iraniens.
En d’autres termes, l’Iran est bien le patron. Et l’Iran, qui sait que les Américains savent, ne cherchent pas une confrontation directe, et donc fait lever le pied à ses factions tout en ayant l’air de ne pas y toucher. Jeu de dupes, qui ne dupe personne.
Les États-Unis ont bien entendu le message et n’attaqueront pas directement l’Iran sur son sol, préférant attaquer 85 cibles en Irak et en Syrie touchant les Gardiens de la révolution islamique et les milices qu’ils encouragent : entrepôts de missiles et d’UAV, centres de contrôle et de commandement, centres de renseignement.
Comment l’Iran fait la guerre à l’Occident
Avec la destruction d’Israël, le principal but des mollah en Iran est de mettre fin à ce qui fait l’Occident : sa liberté, sa démocratie, sa laïcité.
Dans les années 80-90, l’Iran a utilisé contre les cibles occidentales les attentats et les prises d’otages pour parvenir à ses fins (Argentine, France, Liban).
Il a ensuite largement développé la guerre idéologique. Cela commence par l’élimination des voix iraniennes discordantes, à l’intérieur comme à l’extérieur.
En Iran, le régime des mollah exécute à tour de bras et, cherchant à donner un air de légalité à ses exécutions (parce que l’Iran, allez savoir pourquoi, désire maintenir l’illusion d’une sage gouvernance), accuse volontiers ses victimes de crimes imaginaires, tel que la collaboration avec « l’ennemi sioniste ». C’est ainsi qu’en décembre 2023, ils ont exécuté 4 « agents du Mossad » impliqués dans l’explosion d’une installation du ministère iranien de la Défense à Ispahan en 2022. Mais selon l’opposition iranienne, il s’agit de 4 prisonniers politiques kurdes qui sont en détention depuis 19 mois.
À l’étranger, un Iranien et deux Canadiens ont été inculpés le 29 janvier dernier aux États-Unis pour complot en vue de tuer deux personnes, notamment un dissident iranien qui avait fui aux États-Unis. Les inculpés font partie d’une réseau criminel qui cible les dissidents iraniens à l’étranger, en les harcelant, les intimidant, et allant parfois jusqu’à la violence et au meurtre.
Parallèlement, l’Iran s’appuie sur un large réseau pour répandre son idéologie à la façon soft power, comme le font les Frères musulmans, par lobbying, infiltration, réseaux d’influences.
En France, On se souvient aussi qu’en 2009, Yahia Gouasmi, un chiite français, créait le Parti antisioniste, émanation du centre Zahra, une organisation musulmane chiite idéologiquement proche du régime iranien et du Hezbollah libanais, et prônant le jihad armé. Le Partir antisioniste présente une liste aux élections européennes de 2009, avec Dieudonné en tête de liste.
Bien que dissout en 2019, ce type de mouvance ne cesse de se recréer, sous divers noms, sous diverses appellations.
Aujourd’hui, son pouvoir de dissuasion repose sur l’arme nucléaire, et l’on remarque que même si l’Iran n’a pas encore l’arme fatale, le simple fait qu’elle en soit proche exerce déjà un effet de dissuasion.
En marche vers le point de non-retour nucléaire
Depuis qu’un dissident iranien a révélé en 2002 l’existence de deux sites nucléaires inconnus, dont un souterrain, l’Iran a largement floué l’AIEA et la communauté internationale au sujet de son programme nucléaire, et contourné les sanctions pour que son avancée dans le programme nucléaire militaire passe sous les radars. Si au début on faisait semblant de croire que l’enrichissement de l’uranium était à des fins civiles, aujourd’hui plus personne n’est dupe. Du reste, l’Iran ne cherche plus à le cacher, exhibant ses missiles capables de porter des têtes nucléaires, étapes avant la bombe nucléaire.
Les guerres Israël-Hamas et celle de la Russie contre l’Ukraine, pour laquelle Téhéran fournit les Russes en drones et missiles, permettent à l’Iran de faire oublier que pendant ce temps, il poursuit son programme nucléaire offensif.
Alors que la guerre entre Israël et le Hamas domine l’attention du monde, l’Iran marche tranquillement vers un point de non-retour nucléaire.
Dans un rapport de l’AIEA publié le 4 septembre 2023, l’agence onusienne : « La décision de l’Iran de retirer tous les équipements de l’agence [AIEA] précédemment installés en Iran pour les activités de surveillance et de contrôle liées au JCPOA a également eu des implications négatives sur la capacité de l’agence à fournir une assurance quant à la nature pacifique du programme nucléaire iranien. » Bref, une tournure bien alambiquée pour dire que l’AIEA a bien compris la nature offensive du programme nucléaire iranien.
« À ceux qui nous menacent d’élargir la guerre, nous disons : si vous élargissez, nous élargirons. »
Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah
La posture de retournement
L’Iran est un champion de retournement de situation : d’agresseur, il se transmue en agressé. Son protégé hezbollahi est également passé maître en la matière (on pourrait rajouter le Hamas, l’Autorité palestinienne…).
Quand Israël a éliminé Razi Mousawi, l’agent iranien en Syrie qui était en train de tirer des missiles sur Israël depuis un appartement à Damas, l’Iran, comme à son habitude, s’est posé en victime, menaçant « l’entité sioniste pour ses crimes ». Dans un contexte où l’Iran a déclenché les hostilités en activant ses milices pas seulement en Syrie, mais aussi au Liban, en Irak et au Yémen.
Le Hezbollah a la même attitude, pour faire croire en interne qu’ils sont là pour défendre le Liban. Dans un long discours télévisé tenu le 13 février 2024, Hassan Nasrallah a prévenu Israël : « À ceux qui nous menacent d’élargir la guerre, nous disons : si vous élargissez, nous élargirons. »
Conclusion
Depuis des décennies, l’Iran développe son réseau d’influence au Moyen-Orient, et ses bras armés au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen ne font que se développer, s’équiper avec des armes de plus en plus sophistiquées, et faire du prosélytisme. On a même appris récemment que le réseau de tunnels au Sud-Liban créé par le Hezbollah serait plus important que celui dans la bande de Gaza, qui est déjà plus vaste que le métro parisien….Ces 4 pays sont tous en crise politique, voire dans des impasses, victimes des manœuvres agressives des extrémistes chiites. Il y a donc bien ne mainmise politique et militaire de ces 4 pays par l’Iran. A cela, il faut ajouter le Hamas soutenu également par l’Iran, dans la bande de Gaza mais aussi en Cisjordanie.
Sur le front intérieur, l’Iran avance à grand pas vers le point de non-retour nucléaire. L’Iran a retenu la leçon russe : réseaux d’influence et arme nucléaire empêcheront l’OTAN d’agir.
Dans ce contexte, que peut-on espérer ?
Il faut noter quelques points qui pourraient, à terme, faire basculer les choses.
La seule guerre qui affecte un tant soit peu Téhéran est la guerre de l’ombre que se mènent Israël et l’Iran, à travers des cyber-attaques. Israël a déjà retardé le programme nucléaire, et nuit à divers secteurs de l’économie iranienne. Mais l’Iran résiste malgré tout bien.
Il y a aussi la révolte interne, mais la mainmise des Gardiens de la révolution, cette milice qui infiltre tous les niveaux de la société, est encore trop forte pour que la population iranienne voit la liberté au bout du tunnel et la fin de la mollarchie.
Depuis peu, on a vu des attaques à grande ampleur sur le sol iranien. L’attentat de Kerman le 3 janvier 2024 a fait près de 100 morts et a été revendiqué par Daesh. En janvier, un énorme incendie s’est déclaré dans un hôpital de Téhéran ; une explosion dans une usine fait 53 blessés dans le nord du pays ; en février, un gazoduc explose en deux endroits différents et s’ensuit un incendie. Accidents ? Sabotages internes ? Sabotages externes ? On ne sait pas, mais des failles apparaissent et les incidents se multiplient.
Pour l’heure, il serait temps que l’Occident prenne la mesure de pouvoir de nuisance de l’Iran qui initie les guerres partout où son réseau d’influence se développe (1). On n’a pas pu arrêter la Russie, que fera-t-on avec l’Iran ?
(1) Lire (en anglais) « Attack the head of the octopus – It’s time to confront Iran directly » (« Attaquer la tête de la pieuvre – Il est temps d’affronter directement l’Iran »), de Vahid Beheshti, leader de l’opposition iranienne à Londres, Jerusalem Post, 5 février 2024