Hélène, franco-israélienne : rester ou partir ?

J’ai été emballer des cartons hier, pour les enfants et pour les soldats.

Après trois jours où je me suis fait recaler de toute tentative de bénévolat (car il y a trop de volontaires partout), ou même mon sang n’a pas été accepté (je suis AB+, receveur universel, je ne sers vraiment à rien), j’ai enfin trouvé un endroit où je pouvais – un peu – aider.

Au début, j’ai vu tout le monde occupé à trier tout un tas d’affaires. Chacun semblait avoir une mission bien claire. J’ai tourné un peu en rond au milieu des bénévoles, cherchant ma place, souriant aux gens occupés autour de moi, et puis j’ai vu un tas de cartons non montés.
Je me suis dit que c’était ça ma mission. Alors, quand mon premier carton a pris forme, je me suis enfin remise à respirer.

Des volontaires s’activent pour faire et envoyer des cartons remplis de vivres et de biens aux victimes du massacre du 7 octobre 2023 en Israël, ainsi qu’aux soldats et réservistes (Tel-Aviv, 12 octobre 2023)

Parce que, avant, c’était juste un bout de carton, tout plat et inutile. Maintenant, c’était un contenant, prêt à être rempli, de jouets ou de vêtements pour les enfants du sud qui ont dû quitter leurs maisons sans rien emmener avec eux, ou de produits d’hygiènes, dentifrice, nourriture, batteries de téléphone pour les soldats au front.

L’israeliout. Ce mélange de charme, d’humour, de résilience, d’intelligence. Cette philosophie particulière : un optimisme par fatalité. Hihiye Tov. Ça ira. Ça ira parce qu’on n’a pas le choix. Ça ira parce qu’on n’a pas d’autre pays. Ça ira parce que c’est ce qu’on a trouvé de mieux à dire quand ça ne va pas.

Évidemment, ça ne suffit pas. Évidemment je pourrais faire plus. Évidemment… Ça m’a suffit à moi en fait. Je me suis fait du bien pendant un temps. J’ai eu l’impression de faire partie de la société israélienne quelques heures.

Parce que s’il y a une chose magnifique dans ce pays si compliqué, c’est la société israélienne. L’israeliout.

Ce mélange de charme, d’humour, de résilience, d’intelligence. Cette philosophie particulière : un optimisme par fatalité. Hihiye Tov. Ça ira. Ça ira parce qu’on n’a pas le choix. Ça ira parce qu’on n’a pas d’autre pays. Ça ira parce que c’est ce qu’on a trouvé de mieux à dire quand ça ne va pas.

Alors oui, je l’avoue, j’ai pensé, ces derniers temps, qu’il était sans doute temps de renter en France. Pas à cause de la guerre. Surtout parce que, après presque neuf ans d’alya, et malgré tout l’amour que j’ai pour ce pays, cette langue, cette culture, je n’y ai pas vraiment trouvé ma place. Le miracle de l’israeliout se situe quelque part avant, je ne sais pas exactement où. Est-ce que c’est au gan [école maternelle], à l’école, au lycée, à l’armée, pendant les voyages ? Tout ça en même temps ? Est-ce qu’ il y a quelque chose dans l’air ? Je n’en sais rien, mais à mon grand regret j’ai raté toutes ces étapes, et le rattrapage est complexe.

Et puis, l’idée qu’il suffit de partir pour retrouver une vie normale est vraiment très séduisante. S’en aller, loin de l’insupportable, loin de cette souffrance, loin de cette colère, loin de ces dirigeants incompétents, dans un pays avec des institutions, une séparation des pouvoirs, des voisins qui ne veulent pas nous exterminer. Wow, il suffit de prendre un billet d’avion pour accéder à tout ça !

Mais, plus les jours passent et plus je me sens ancrée, engluée ici.

Je vibre avec les Israéliens
Je saigne avec les Israéliens
Je ne sais pas si ça fait de moi une Israélienne en Israël, mais, ce qui est sûr, c’est que ça fera de moi une Israélienne errante partout ailleurs.