Edito // Les chevaliers du bien et leurs porte-flingues
Il s’est passé trois choses ce mois d’octobre qui n’ont a priori rien à voir entre elles. A priori.
Annie Ernaux (voir article) a reçu le prix Nobel de littérature.
Philippe Martinez est «passé entre les balles de Tsahal », avant de revenir, rescapé, plaidé la cause des grévistes des raffineries (voir article). Le procès des attentats de janvier 2015 (pour lequel l’Association France-Israël était partie civile) s’est achevé, suite à l’appel de deux accusés.
Le point commun de ces trois événements, c’est que leurs protagonistes se sont servis de la caisse de résonance médiatique pour tacler Israël et enfermer les Palestiniens dans la posture passive de la victimisation.
Ainsi, en 2021, Annie Ernaux signait une « lettre contre l’apartheid » où Israël est accusé d’être une « puissance colonisatrice ».
Le 12 octobre dernier, en pleine grève des raffineries de pétrole, Philippe Martinez, patron de la CGT, raconte avoir été « coincé à Naplouse » à cause de « l’armée israélienne » qui « entoure la ville », et avoir dû « se faufiler » de nuit pour « échapper aux balles et aux militaires israéliens ». C’était un peu long comme introduction pour expliquer qu’une poignée de grévistes de son syndicat paralysait la France et qu’il n’était pas là parce qu’il avait des trucs super importants à faire en Palestine, mais ça a fait son petit effet. (Les vrais courageux vont en Ukraine,en Iran ou en Russie et ne s’en vantent pas, mais c’est un autre sujet)
La Palestine est devenue la lutte la plus rentable pour ceux qui ont besoin de redorer leur blason à peu de frais : la balance bénéfice-risque penche très nettement du côté du bénéfice. Dire « Israël apartheid », ou « j’ai échappé aux balles de Tsahal », vous statufie aussitôt en justicier, en héros, en aventurier (du bien) rescapé des forces (du mal).
Quand nous disons la Palestine, nous voulons dire l’idée que s’en font certains Français, ceux qui sont à mille lieues d’imaginer qu’il y eut des Juifs palestiniens mais jamais d’État palestinien. Que seuls les Juifs étaient désignés avant 1948 comme palestiniens, les autres étant des Arabes de Palestine. Et comme c’est un peu compliqué, en tout cas que ce n’est pas binaire, et bien tout cela nous mène au troisième élément évoqué plus haut : les attentats de janvier 2015.
Car ce 9 janvier 2015, quand Amedy Coulibaly prend en otage l’hyper cacher de la porte de Vincennes, il s’attaque clairement aux Juifs. La veille, il assassinait la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge, alors qu’il était en route vers une école juive de cette ville. Comme Merah avant lui, tuer des Juifs, notamment des enfants juifs, c’est pour « venger les enfants palestiniens ». Coulibaly le dira au micro de BFM (le même BFM que pour Martinez…) : il agit (entre autres motifs confus), pour les musulmans « opprimés », « notamment en Palestine ».
Alors oui, quand des gens censés avoir accès à la culture, aux informations contradictoires et au discernement, quand ces gens-là travestissent à ce point la réalité pour diaboliser Israël, comment s’étonner que les actes antisémites en France sont en constante hausse (+75 % en 2021), et qu’il soit devenu naturel pour un Coulibaly, un Merah, un Kobili Traore et tant d’autre de tuer des Juifs1 ?
1 D’où, soit dit en passant, la pertinence de la définition de l’IHRA concernant l’antisémitisme