14 mai 1948 : « Un État juif est instauré en Palestine, il s’appellera Israël »
Par Alain Herbeth
Le 5 mai 2022, compte tenu des décalages entre calendrier commun et calendrier hébraïque, Israël fêtait Yom Haatsmaout, le 74ème anniversaire de son indépendance en tant qu’État.
Le vendredi 14 mai 1948, le dernier soldat britannique quitte le sol de la Palestine et Sir Alan Cunningham, Haut-Commissaire représentant sa Gracieuse majesté, fait amener l’Union Jack. Conformément à la motion 181 de l’ONU, votée en novembre 1947, le mandat britannique expire ce jour-là. L’indépendance d’Israël, programmée pour le lendemain, est proclamée le jour même, avec vingt-quatre heures d’avance sur le calendrier officiel, pour respecter le Shabbat.
David Ben Gourion, exceptionnellement vêtu d’un costume et d’une cravate, sous le portrait de Theodor Herzl, donne lecture devant le conseil national sioniste réuni au musée de Tel-Aviv, de la proclamation d’indépendance : « Un État juif est instauré en Palestine. Il s’appellera Israël ».
Le lendemain, le 15 mai, les armées de tous les États arabes de la région attaquent le nouvel État dont ils refusent l’existence même.
L’hostilité du Quai d’Orsay
L’indépendance d’Israël restera, pour tous les témoins, comme un moment inoubliable. C’est le cas de Joseph Kessel qui écrira dans France-Soir : « Un peuple nouveau est né, un peuple pourtant millénaire. »
Ben Gourion devient le premier chef du gouvernement provisoire du jeune État et Haïm Weizmann son président. Israël est immédiatement reconnu par les deux grandes superpuissances, d’abord de facto par les USA, mais de jure par l’Union soviétique. D’autres pays les rejoignent immédiatement, mais pas la France qui reste silencieuse. Le Quai d’Orsay, fidèle à sa « politique arabe » maintient fermement une opposition de principe à l’indépendance d’Israël même s’il a dû s’incliner au moment du vote sur la partition de la Palestine en deux États, l’un arabe, l’autre juif, en novembre 1947, à la suite d’une intervention de dernière minute de Léon Blum.
Georges Bidault, alors président du conseil, ne parvient pas à faire reconnaître Israël et va s’incliner. La France ne reconnaîtra l’existence légale d’Israël seulement après la guerre d’indépendance, le 11 mai 1949, après s’être abstenu en décembre 1948 et le 9 mai 1949 à propos de l’admission d’Israël à l’ONU. Mais cette fois, le vote est majoritaire. Israël devient un pays membre de l’ONU à part entière. La France n’admettra sa reconnaissance que deux jours plus tard, le 11 mai !
Israël, Palestine : le choix du nom d’un pays n’est jamais neutre
Pourquoi, ce 14 mai, David Ben Gourion a-t-il proclamé la naissance d’un État juif qui porterait le nom d’Eretz Israël (littéralement « Terre d’Israël ») alors que, depuis le début de la nouvelle alyah, à la fin du XIXème siècle, les Juifs se désignaient principalement comme Palestiniens ? Ils étaient les seuls à se nommer ainsi, car les Arabes, vivant sur la même terre, n’utilisaient jamais ce qualificatif. Ils étaient arabes, et beaucoup d’entre eux se réclamaient de la Syrie historique et du royaume de Damas. Pour les Arabes, vivant en Palestine, la seule question nationale qui pouvait se poser était celle de l’unité arabe, voire d’un éventuel royaume arabe. C’est la solution qui avait la préférence des Britanniques.
Alors pourquoi personne n’a eu l’intention, au moment de la proclamation de l’indépendance, de conserver le nom de Palestine pour désigner l’État juif ?
Avant 1948, les dirigeants du Yichouv avaient admis le partage de la Palestine selon la carte adoptée en 1947, même si ce partage était parfaitement injuste, coupant le pays en deux. Une première explication de leur acceptation est donnée par le mot Yichouv lui-même, que les Juifs palestiniens utilisent pour désigner la communauté juive de Palestine, communauté qui se dote de tous les instruments de pouvoir et d’administration nécessaires à l’édification d’un État. Le terme complet était en fait Yichouv Hayehoudi be Eretz Israël, ce qui signifie, traduit de l’hébreu, « peuplement juif en terre d’Israël ».
Une seconde explication est apportée par la bible. Le nom d’Israël a d’abord été réservé à Jacob, petit-fils d’Abraham, fils d’Isaac. Or, ce sont les 12 fils de Jacob qui sont les fondateurs politiques d’Israël, en tant que peuple, par leur installation dans le pays de Canaan. Vers 930 avant J. C., le royaume d’Israël est fondé par David. C’est donc un acte de fidélité au peuple d’Israël qui est fait par les fondateurs de l’État juif.
Mais si le terme d’Israël fut si naturel à adopter, c’est qu’il rétablissait une injustice presque bi-millénaire : ce sont les Romains, lors des guerres judéo-romaines au 2e siècle, et notamment la révolte de Bar Kochba en 132-135, qui ont tué et expulsé une grande partie des Juifs des royaumes de Juda et d’Israël, qui ont effacé les symboles juifs, et qui ont créé le terme Palestine pour remplacer celui d’Israël.