Interview // Muriel MELKI, avocate de William Attal, frère de Sarah Halimi
Pourquoi l’instruction a demandé une autre expertise psychiatrique suite aux conclusions de la première expertise qui concluait à une altération du discernement de l’assassin (ce qui aurait permis un procès) ?
La juge qui a instruit le dossier a décidé de demander d’office une 2e expertise, sans que personne ne la lui demande : ni l’avocat du meurtrier, ni le Parquet, et enfin aucune des parties civiles. C’est une démarche suffisamment rare pour être soulignée.
La reconstitution est quasiment systématique dans les affaires criminelles. La juge d’instruction s’y est farouchement opposé. […] pourtant lors de cette audience, la demande de reconstitution avait été acceptée par l’ensemble des parties présentes, c’est-à-dire l’avocat général, l’avocat de l’accusé, et enfin l’accusé lui-même.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu de reconstitution du crime ?
La reconstitution est quasiment systématique dans les affaires criminelles. La juge d’instruction s’y est farouchement opposé. Nous avons formé appel de son refus, mais les 3 magistrats professionnels de la chambre d’instruction à la Cour d’appel ont confirmé ce refus de reconstitution. Je vous précise que pourtant lors de cette audience, la demande de reconstitution avait été acceptée par l’ensemble des parties présentes, c’est-à-dire l’avocat général, l’avocat de l’accusé, et enfin l’accusé lui-même.
On se retrouve avec une décision déconnectée de la réalité.
Selon vous, qu’est-ce qu’un procès aurait apporté ?
La manifestation de la vérité notamment sur les raisons qui en 2017, ont poussé un homme âgé de 26 ans à martyriser puis à défenestrer sa voisine au seul motif qu’elle était juive. Dresser un état des lieux de cet antisémitisme qui tue, de l’islam radical qui tue en France depuis plusieurs années. Cela aurait permis de comprendre l’état de notre société, la capacité de notre police à nous protéger. Personne ne s’est finalement penché sur toutes ces questions. En cela c’est un déni de justice. Enfin cela aurait offert la possibilité à la famille de faire son deuil. Notre constitution, ainsi que la constitution européenne des Droits de l’Homme, garantissent à tout citoyen le droit à un procès. Sarah Halimi a donc été privée de son droit fondamental à la Justice.
D’où vient selon vous l’hésitation initiale à retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme, au début de l’instruction ?
Il y a en France une difficulté à traiter les affaires d’antisémitisme. Il y a un problème de qualification, et une fois que l’on parvient à faire qualifier un acte d’antisémite, on juge qu’il y a irresponsabilité pénale pour trouble psychique. Je pense notamment au cas Sébastien Selam 1, ceci est malheureusement récurrent dans les affaires d’antisémitisme.
Avoir reconnu le caractère antisémite ne sert à rien, puisque qu’on ne peut aggraver une peine qui n’existe pas. C’est ce que j’appelle des miettes de justice offertes à la famille Halimi-Attal.
Comment expliquer que le caractère antisémite ait été retenu, mais que celui-ci ne constitue pas une circonstance aggravante ayant mené au crime ?
Avoir reconnu le caractère antisémite ne sert à rien, puisque qu’on ne peut aggraver une peine qui n’existe pas. C’est ce que j’appelle des miettes de justice offertes à la famille Halimi-Attal. Cela vient rajouter au caractère totalement incompréhensible de cette décision. Il y a une incohérence majeure que personne ne peut comprendre, et encore moins la famille. Cela n’a pas de sens. On se retrouve avec une décision déconnectée de la réalité. C’est l’illustration de la perte de nos valeurs républicaines.
Quelle est la suite à donner ?
Nous examinons la possibilité d’un recours auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), et étudions toutes les autres possibilités offertes par le Droit International.
La CEDH peut-elle contraindre la France à rejuger l’affaire ?
Ce n’est pas exclu.
1 https://fr.timesofisrael.com/sebastien-selam-une-requalification-en-crime-antisemite-est-elle-possible/