Interview // Stéphanie, une française en Israël

Interview // Stéphanie, une française en Israël

Stéphanie est une jeune femme qui a fait son alya en 2017, c’est à dire qu’elle a émigré en Israël. Elle vit et travaille à Tel-Aviv. Différences culturelles, intégration, travail, et coronavirus.

Comment avez-vous vécu le déconfinement ?
Côté travail, je n’avais pas arrêté de travailler, donc pas trop de changement à ce niveau. En revanche, c’est très agréable de voir la vie reprendre normalement. Les restaurants et terrasses sont pleins à craquer, il y a la queue pou avoir une table. Les gens veulent sortir, acheter, consommer, se promener. Il y a du monde partout, au marché aux puces, dans les magasins etc. Ils sortent encore plus qu’avant. La vie culturelle également a repris, avec des concerts, des événements. Certains courageux se baignent (la mer est encore froide), les surfeurs surfent. Il n’y a pas de mazout partout, heureusement. Toutefois, il a des commerces fermés, ceux qui ne se sont pas remis des mois de fermetures.

Rue à Tel Aviv après le déconfinement (mars 2021)

Quel était votre métier en France ?
J’étais psychomotricienne, je travaillais dans la fonction publique hospitalière.

Qu’est-ce que la psychomotricité ?
C’est une thérapie fondée sur les liens entre corps et psychologie. Cette profession paramédicale intègre certains aspects de la médecine (anatomie, neurologie), de la psychologie et de la pédagogie.  J’agis sur 3 composantes indissociables dans le développement de l’enfant (je travaille surtout avec des enfants, mais tout le monde peut faire de la psychomotricité) : la motricité et l’organisation corporelle (problème de coordination, de motricité fine etc.) ; le comportement et les émotions (trouble de la relation, inhibition, angoisse, phobie etc.) ; et les apprentissages (troubles de l’attention, de l’écriture, hyperactivité etc.). Tout progrès dans un domaine retentit sur les autres.

Ce métier existe-t-il en Israël ?
Non, c’est bien le problème. On la le droit de travailler, mais en indépendant. Je le pratique un peu. Comme les gens ne le connaisse pas, je me suis fait connaître auprès de professionnels de santé et de la petite enfance. Pour travailler officiellement dans les services publiques et privés de santé, ainsi que dans les centres de développement de l’enfant (équivalent des CMP pour les tout petits) – il faut un diplôme reconnu en Israël. Nous, nous avons un diplôme délivré par le ministère de la Santé en France, mais il n’est pas reconnu ici reconnu ici. Et même, ce métier n’existe pas en Israël.

Le diplôme pourrait-il être reconnu un jour ?
J’ai mis sur pied un groupe de travail avec des psychomotriciennes, certaines là depuis 40 ans, d’autres nouvellement arrivées, en partenariat avec l’association Qualita qui aide les nouveaux immigrants (« olim » en hébreu) pour leur reconnaissance de diplômes. Nous nous basons sur un cursus qui existe ici « ripouï veissouk », que l’on peut traduire par « ergothérapie ». Nous avons comparé notre cursus de psychomotricienne année par année, matière par matière, heure par heure (syllabus) avec le leur. C’est un travail très précis, avec les matières enseignées en commun, le nombre d’heures, les stages etc.  Quand tout ceci sera finalisé, avec l’aide de Qualita, nous demanderons une reconnaissance a minima partielle, c’est à dire que nous demanderons à passer uniquement les épreuves d’ergothérapie que nous n’avons pas dans notre diplôme français.

Pour autant, ce ne sera pas un diplôme de psychomotricité ?
Si on veut créer ce diplôme spécifique, il faut créer une école de psychomotricité en Israël. Ce n’est pas exclu, mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour. Nous avons beaucoup à apporter de notre métier. Contrairement à l’ergothérapie, nous avons beaucoup de psychologie et une approche plus globale prenant en compte tous les aspects corporels et moteurs, psychologiques et cognitifs. D’autre part, il y a une différence d’approche culturelle dans le soin. La communauté française serait très sensible à des professionnels de santé francophones, à la fois pour la langue, et aussi par rapport à la culture du soin où les Français ont plus de douceur et d’empathie.

Sapin de Noël géant à Jaffa (Tel-Aviv), place de l'horloge Sapin de Noël géant à Jaffa (Tel-Aviv), place de l’horloge

Comment vivez-vous l’alya ?
Émigrer un Israël a été un choix, et j’en suis heureuse. Toutefois, cela ne va pas sans des difficultés. D’abord, on laisse la France derrière soi, ce n’est pas anodin. On se sent parfois coupé en deux. Puis c’est un vrai travail de s’intégrer. Cela passe en premier lieu par la langue. C’est un barrage pour certains, même si on nous offre la possibilité de faire un oulpan (cours d’hébreu pour étranger) de 5 mois. C’est à nous d’accepter d’être une minorité, d’être immigrés, d’avoir un accent, de n’avoir pas tous les codes. La façon de vivre israélienne, également, est plus abrupte qu’en France. Les Israéliens se mêlent de tout. Parfois c’est sympa, parfois c’est pesant. Mais c’est aussi un pays où il fait bon vivre, où on peut vivre les fêtes juives à l’unisson. Mais même quand ce sont les Arabes chrétiens qui fêtent Nöel ou les Arabes musulmans qui fêtent l’Aid al-Adha, en pique niquant sur les pelouses près de la plage (j’habite à Jaffa, à Noël il y a un immense sapin place de l’horloge, et durant l’Aid el-Adha, de nombreuses familles musulmanes font des pique-nique sur les pelouse , ce sont des moments de partage. Les gens sont solidaires, ils ont un grand cœur derrière leur côté bourru (les fameux sabra1).

1 Sabra en hébreu signifie « figue de Barbarie », et il désigne les Israéliens natifs : piquants dehors, doux dedans.

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