Interview // Raphaël Jerusalmy, de Normal Sup’ à Tsahal
Né en 1954 à Paris, Raphaël Jérusalmy est un normalien atypique : au trajet tout tracé de l’élite française, il a préféré une carrière militaire au sein de l’armée israélienne. Ce qui l’a emmené en Asie, en Amérique latine, en Afrique, mais surtout dans des pays arabes tels que l’Égypte et la Jordanie, la Syrie, le Liban et les territoires palestiniens, où il fut chargé de créer des contacts directs et d’entretenir des relations de travail continues avec ses contreparties arabes, pour résoudre – hors champs médiatique – toute sorte de problèmes relatifs à la sécurité, à l’écologie et à l’aide humanitaire. C’est aujourd’hui un écrivain traduit en plusieurs langues. Il est également analyste de défense et de sécurité pour la chaîne I24 news et pour Charlie Hebdo. Il vient de publier aux éditions Valensin – David Reinharc « Le manuel bleu contre l’antisémitisme et la désinformation ».
A qui est destiné ce livre ?
À un public aussi large que possible, Juifs et non-Juifs, étudiants, commerçants, enseignants, politiques….Car avec l’antisémitisme actuel ce n’est pas uniquement le peuple juif qui est visé, mais aussi les valeurs de la République et la démocratie française. L’antisémitisme a débordé vers des meurtres, des attentats, des atteintes à la liberté expression. Ce n’est pas pour rien que les décideurs français s‘occupent maintenant de ce problème.
Bien que je donne des munitions pour polémiquer contre les racistes, la cible principale de ce manuel c’est l’immense public français qui a besoin d’être mieux informé. Si cette partie de la population avait les données de base, elle aurait une approche plus saine.
Quel est votre but en écrivant ce manuel ? Pensez-vous pouvoir contribuer à faire reculer l’antisémitisme ?
Le but du livre, contrairement à toutes les analyses et les travaux sur la question, est d’être un précis court et concis avec des arguments importants et des conseils pratiques. Il est facile à lire et à utiliser. L’antisémitisme est mensonger par nature, bâti sur des arguments faux ; il suffit d’asséner quelques vérités pour être armé contre ce fléau.
Je pense pouvoir freiner l’antisémitisme, en donnant à des gens susceptibles d’être des amis d’Israël des aliments pour qu’ils cessent d’être abreuvés par les ennemis d’Israël ou des Juifs. Il manque actuellement de contrepoids pour que quelqu’un de bonne volonté puisse se former une opinion honnête.
« La désinformation est un mensonge, tel que dissocier le peuple juif de son histoire et de Jérusalem. »
Pourquoi ne pas avoir intitulé tout simplement ce livre « Manuel bleu contre l’antisémitisme » ? Il y a bien d’autres causes à l’antisémitisme que la désinformation, non ?
Je cite les autres causes de l’antisémitisme. Mais le phénomène de l’antisémitisme est marqué à travers les âges par la mutation, et de nos jours, cette mutation c’est la désinformation. La désinformation est un mensonge, tel que dissocier le peuple juif de son histoire et de Jérusalem.
Si vous ne deviez conseiller qu’un seul chapitre du manuel à quelqu’un qui cherche à comprendre, lequel serait-ce ?
Le dernier, qui s’intitule « Quelques vérités », qui présentent 10 points qui contrebalancent des clichés. Plus un mensonge est répété, plus il passe pour vrai.
Est-ce que vous vous attendiez à cette remontée de l’antisémitisme ?
Il n’a jamais disparu, ni même baissé, hormis les quelques années de culpabilité post-Shoah qui n’ont pas duré bien longtemps : dès l’Indépendance de l’État d’Israël en 1948, les antisémites ont repris du poil de la bête avec l’antisionisme. Cela nous a pris un certain temps pour comprendre les nouveaux masques pris pas l’antisémitisme, les astuces.
« L’antisémite hait les Juifs, l’antisioniste hait les Juifs en tant qu’entité nationale. »
Justement, que pensez-vous du vote de l’Assemblée nationale en France adoptant la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, qui précise que « l’antisémitisme dans sa forme moderne et renouvelée » peut englober « les manifestations de haine à l’égard de l’État d’Israël justifiées par la seule perception de ce dernier comme collectivité juive » ?
Je me félicite de cette initiative car elle crée un précédent et une prise de conscience. Je regrette toutefois qu’elle soit trop douce et n’ait pas de conséquences juridiques. Or l’antisionisme est un racisme comme l’antisémitisme. L’antisémite hait les Juifs, l’antisioniste hait les Juifs en tant qu’entité nationale. Je serais heureux si l’antisionisme n’était qu’une opinion. Mais la discrimination vis-à-vis d’Israël est évidente, notamment dans les médias, ne serait-ce que par la quantité d’encre consacrée au conflit israélo-palestinien par rapport à d’autres conflits bien plus virulents, tels que la Syrie, le Tibet, le Soudan etc. 90 % des détracteurs d’Israël mentent (et 10 % se laissent leurrer).
Qu’est-ce qui mène de l’École Normale Supérieure rue d’Ulm à Tsahal ?
Rien. J’ai fait l’ENS pour mes parents. Tsahal, c’est ce que j’ai toujours voulu faire, depuis 1967 (j’avais 13 ans). L’ENS m’a servi comme formation intellectuelle, ce qui m’a été utile dans les services de renseignement israéliens.
Manuel bleu contre l’antisémitisme et la désinformation