Interview // Raphaël Walden, médecin de Shimon Pérès, médecin pour tous

Interview // Raphaël Walden, médecin de Shimon Pérès, médecin pour tous
Remise de la Légion d’honneur au professeur Raphaël Walden par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, pour son engagement humanitaire. 18 novembre 2009. Photo : Olivier Fitoussi

Remise de la Légion d’honneur au professeur Raphaël Walden par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, pour son engagement humanitaire. 18 novembre 2009. Photo : Olivier Fitoussi

Le Professeur Raphaël Walden est médecin, spécialiste en chirurgie vasculaire. Il travaille au centre hospitalier Sheba de Ramat Gan, près de Tel-Aviv, et enseigne la médecine à l’université de Tel-Aviv. Il préside l’ONG « Physicians for Human Rights » (Médecins pour les Droits de l’Homme). Il fait également partie du comité directeur de l’ONG israélienne Latet, qui lutte contre la pauvreté en Israël (banque alimentaire et programmes d’aide sociale). En 2009, la France l’a décoré du titre d’Officier de la Légion d’honneur pour son action humanitaire. Cet Israélien est né en France en 1942 de parents polonais venus dans l’hexagone dans les années 30. Il a émigré avec sa famille en Israël en 1951, et a épousé la fille de Shimon Pérès, dont il fut le médecin personnel.

 

Vous êtes chirurgien, et apparemment, vous ne vous êtes pas contenté d’opérer dans un hôpital en ville …
Avec mon ONG « Physicians for Human Rights » (Médecins pour les Droits de l’Homme), nous avons un dispensaire mobile et allons chaque week-end dans un village palestinien en Cisjordanie avec une dizaine de médecins Israéliens – juifs et arabes – pour traiter entre 300 à 400 patients. Nous leur délivrons également des médicaments. Les patients sont soit soignés sur place, soit nous faisons des recommandations aux praticiens locaux, soit nous faisons une demande pour les amener en Israël quand c’est nécessaire. La principale difficulté pour ce faire est d’ordre financier. Nous avons réussi à créer un microcosme extraordinaire d’entente et de bonne volonté avec les patients palestiniens, pour qui nous sommes souvent le seul contact amical israélien. Nous organisons aussi des congrès médicaux en Cisjordanie. Nous n’avons jamais eu de manifestations hostiles. Au-delà de l’aspect médical, nous sommes porteurs d’un espoir de paix.

Nous avons un dispensaire mobile et allons chaque week-end dans un village palestinien en Cisjordanie avec une dizaine de médecins Israéliens – juifs et arabes – pour traiter entre 300 à 400 patients.

N’y a-t-il pas suffisamment de médecins palestiniens en Cisjordanie ?
Non. Pour un village donnée, il y a en moyenne un généraliste palestinien qui vient 2 à 3 heures par semaine.

Le Professeur Raphaël Walden, médecin spécialiste en chirurgie vasculaire au centre hospitalier Sheba de Ramat Gan, près de Tel-Aviv.Et pour la bande de Gaza ?
Pour la bande de Gaza, c’est plus compliqué : nous avons une mission médicale une fois par mois à Gaza, et sommes la seule organisation israélienne autorisée à pénétrer dans ce territoire. Nous y réalisons des opérations chirurgicales dans des hôpitaux palestiniens de Gaza, avec des médecins palestiniens, et organisons également des formations à destination des chirurgiens locaux pour des opérations qui ne leur sont pas familières. Il y a un vrai désastre humanitaire à Gaza, aussi leur apportons-nous des médicaments et des prothèses orthopédiques. Les formations se font aussi en Israël, pendant 3 à 4 jours, notamment pour des médecins urgentistes et des cardiologues de Gaza. A cause de raisons sécuritaires, il est parfois difficile de les faire venir. C’est pour eux la seule occasion de sortir de Gaza.

Et en Israël ?
Enfin, nous avons d’autres activités vis-à-vis des réfugiés en Israël (Soudanais, Erythréens etc.), qui n’ont aucun statut légal. Nous avons une clinique à Jaffa où ils sont traités gratuitement. Nous faisons aussi du lobbying auprès des autorités militaires, des tribunaux pour faire venir des patients de Gaza en Israël, voire même en Cisjordanie. Nous faisons un autre lobbying auprès du ministère de la Santé pour promouvoir l’égalité des services médicaux entre le Nord (Haute Galilée) et le Sud d’Israël (Dimona, Netivot, et même Beer Sheva) où il n’est pas toujours évident de recevoir des soins oncologiques, et où en général les services de santé ne sont pas équivalents par rapport au reste du pays.

Du fait de votre engagement auprès des Palestiniens, certains vous ont traité de « traître ». Est-ce que cela vous a touché ?
Je suis respecté par la communauté médicale en Israël, y compris par ceux qui ne sont pas d’accord politiquement avec moi. Pour les autres, les extrémistes….non, cela ne me touche pas. Je reçois bien plus de soutien et d’encouragement. Du reste, le judaïsme nous enjoint de traiter l’étranger et de subvenir à ses besoins. Ce que je fais, je le fais en cohérence avec l’éthique et la morale juives.

Quels étaient vos rapports avec votre beau-père, Shimon Pérès ? Est-ce que d’être à son contact vous a changé ?
Non, nous étions déjà sur la même longueur d’onde. Chacun à son échelle, nous œuvrons pour promouvoir la paix. Shimon a beaucoup apprécié ce que je fais. Malheureusement, il n’aura pas connu la paix avec nos voisins.

Quel est aujourd’hui votre rapport à la France ?
J’ai beaucoup d’amour pour la France. Je viens aussi souvent que possible, à Paris en particulier. Je suis sensible à la résurgence de l’antisémitisme en France – Israël est très concerné par cette levée de l’antisémitisme – mais je pense que les autorités française ont des réactions tout à fait adéquates.

Où étiez-vous durant la Seconde guerre mondiale ?
Mon père a eu la grande sagesse, au début de la guerre, de sentir que ce ne serait pas une guerre de courte durée. Il a donc acheté une ferme en Dordogne, près de Pressignac. Ces petits bourgeois parisiens (mon père était ingénieur agronome et ma mère était médecin) sont devenus paysans, élevant vaches, poules, et récoltant leurs fruits et légumes. Mais des paysans avec des faux papiers. On croyait que personne ne savait qu’on était juif, jusqu’au jour où un voisin est venu nous prévenir de l’arrivée d’Allemands : on a alors réalisé que tous savaient ! Ils nous ont toujours protégés.

Qu’est-ce qui vous a guidé dans vos actions, tout au long de votre vie ?
Ma passion pour les Droits de l’Homme. C’est mon devoir, en tant que juif, et en tant que médecin. M’occuper de ceux qui en ont besoin, leur prodiguer soins médicaux et solidarité humaine.

Le Professeur Raphaël Walden, médecin spécialiste en chirurgie vasculaire au centre hospitalier Sheba de Ramat Gan, près de Tel-Aviv.

 

Vous aimez ? Partagez...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.