Edito // Pessah-Pâques : d’un passage à l’autre
Cette année, Pessah commence le vendredi 19 avril, qui correspond au Vendredi Saint de la plupart des chrétiens, avant-veille de la fête de Pâques. Qu’ont en commun ces deux fêtes ?
Jésus célèbre Pessah
Tout d’abord, n’oublions pas que le Jeudi Saint est ponctué par la Cène : le dernier repas du Christ était un seder* de Pessah ! Ceci nous rappelle opportunément que Jésus était profondément juif et qu’il l’a été jusqu’à sa mort.
Pessah, en hébreu, signifie « passage » : la fête a lieu le soir de la lune de Printemps. Ce passage est d’abord celui de l’état d’esclave à celui d’homme libre : les Juifs commémorent la sortie d’Égypte et en fait, la naissance d’Israël en tant que peuple. Ce peuple a été guidé par Moïse, avant une pérégrination de 40 ans dans le désert (la sortie d’Égypte a sans doute eu lieu vers -1250 sous le règne de Ramsès II).
Ces 40 ans de pérégrination et de doute seront repris par Jésus, qui jeûnera 40 jours. C’est ce que commémore, et réédite, le Carême (littéralement 40 jours) aujourd’hui : un temps de privation, d’affranchissement, de « conversion » pour se libérer de ce qui éloigne de Dieu, que les chrétiens appellent souvent la « montée vers Pâques ».
Le pain azyme que les Juifs consomme à Pessah rappelle ce fait historique : dans leur fuite précipitée d’Egypte, les Hébreux n’ont pas eu le temps de faire lever la pâte. Mais la suppression de tout ce qui lève durant les 8 jours de cette fête symbolise aussi le dépassement de tout ferment quotidien, freinant notre liberté.
L’hostie donnée lors de la messe chrétienne, corps et présence réelle du Christ pour les chrétiens, est aussi un pain sans levain.
Jésus et Moïse, 2 guides « sacrifiés »
Le Vendredi Saint, Jésus est arrêté par les Romains, « jugé » et crucifié. Dans la tradition chrétienne, Jésus est sacrifié volontairement pour racheter le péché de l’humanité.
Quant à Moïse, il n’a jamais atteint la Terre sainte. Il a seulement conduit son peuple vers la liberté. Le judaïsme refusant catégoriquement tout culte de la personnalité, nul ne sait ce qu’il est advenu de Moïse : ce peuple libre devait se trouver son chef en lui-même, par lui-même.
L’œuf comme symbole commun
Pour les Juifs, un des symboles de Pessah est l’œuf, dont la symbolique est centrale. Il est présent sur tous les plateaux du rite du seder. Il annonce la vie, mais ne présente pas encore un élément organisé de cette même vie. Tout est encore possible pour l’homme en devenir.
Pour les chrétiens, il est objet de privation durant toute la période de Carême (au même titre que d’autres plaisirs comme le chocolat, les bonbons etc.), tout ce qui peut constituer une distance vis-à-vis du divin et donc de son propre accomplissement.
Pessah est un départ, Pâques aussi. Si les différences existent bel et bien entre la culture juive et la culture chrétienne – qui nous invitent au dialogue-, nous aimons rappeler ici les origines et les symboles communs. D’ailleurs, le jour de l’an perse (zoroastrien) s’appelle Norouz, il se fête aussi à la première lune de printemps, et la centralité de la fête est aussi .. un œuf !
* Seder : signifie littéralement « ordre » et désigne le cérémonial du soir de Pessah chez les Juifs